eptembre 1914, a la bataille de la Marne (combat de Cougivaux), il
passa de longs mois dans les hopitaux de l'arriere. Sa blessure, quoique
peu grave, etait mal placee: il avait eu le pied fracture, et une
saillie osseuse, due a une consolidation vicieuse, genait la marche. Les
medecins voulaient le faire passer dans le service auxiliaire. Il s'y
refusa, obtint de porter une chaussure orthopedique, qui corrigeait le
vice de la demarche, et, maintenu dans le service arme, rejoignit enfin
le depot de son regiment. La il trouva sa nomination de caporal, qui
l'attendait depuis la bataille de la Marne; mais bientot, en execution
des ordres ministeriels qui, pour combler les pertes du cadre des jeunes
medecins, prescrivaient de rechercher dans les formations combattantes
les etudiants en medecine, meme pourvus de quatre inscriptions
seulement, pour les nommer medecins auxiliaires, il fut promu a ce grade
et renvoye au front en cette qualite. D'abord affecte a un regiment
territorial, qui gardait les lignes de l'Argonne, il passa, sur sa
demande, dans un regiment de l'active, et il tomba, dans une attaque,
frappe d'une balle en plein coeur, en suivant, dit la citation a l'ordre
de l'armee dont il fut honore, la vague d'assaut de son unite, pour
secourir plus rapidement les blesses._
4 Avril 1917.
Mon cher Oncle,
Nous nous recueillons pour l'action prochaine, qui n'est un mystere pour
personne. C'est assez proche. Pas du tout d'enthousiasme. Mais pas du
tout de defaillance, ni meme de defiance. La guerre est devenue presque
une habitude, un nouveau genre de vie, pour mes camarades, et ils sont
blases. Ils ne vont pas joyeusement au feu, presque ivres d'avance d'une
victoire certaine et decisive, comme ceux de Mesnil-les-Hurlus, de
Tahure, de Massiges. Ils comptent avec l'ennemi. Ils savent qu'on a deja
fait bien des tentatives couteuses et infructueuses. Ils savent aussi
que, fatalement, un jour viendra ou une de ces tentatives sera suivie
d'une grosse avance, et ils se disent: Ce sera peut-etre cette fois-ci.
Ce ne sera pas un elan de patriotisme et d'abnegation. Ce sera une
tache, presque un metier, resolument entreprise, poursuivie avec
patience, avec conscience, avec un courage contenu et le souci de la
mener a bien. Je trouve que c'est, apres trente-deux mois d'epreuves, un
tres beau moral.
Quant a moi, j'ose a peine m'abandonner a l'espoir que je suis peut-etre
appele a prendre ma revanche d'Aout-Septembre 1914. J
|