t toujours prendre un
billet d'aller et retour pour le front. Ici, plus rien des doutes, des
torpeurs, des angoisses; rien que du soleil dans l'ame, meme dans la
brume; de la joie, meme dans le malheur, et des fetes sublimes, meme
dans la mort!...
_Lettre ecrite par l'Adjudant Paul OUDIN, 128e Regiment d'Infanterie,
tombe au champ d'honneur le 12 Mai 1916._
A vous, chers et bons parents, mes dernieres pensees.
Je ne puis trouver d'accents assez forts pour vous remercier des bons
soins dont vous m'avez entoure.
Je vous sais a l'abri du besoin et si je tombe ce sera ma consolation.
Mille fois merci et tendres baisers.
POLO.
_Lettre ecrite par le Sous-Lieutenant Laurent PATEU, 141e Regiment
d'infanterie, tombe au champ d'honneur, le 15 Juin 1915, a
Notre-Dame-de-Lorette._
Rouge-Croix (Pas-de-Calais).
4 Novembre 1914.
Ma Femme bien-aimee,
Mes Enfants cheris,
Si vous recevez cette lettre, je ne serai plus; mais je vous defends de
pleurer. A cette epoque ou les enfants de la France versent leur sang,
le mien n'est pas plus rouge que celui des autres. Vous supporterez
d'autant mieux votre douleur que vous vous direz avec une inexprimable
fierte que j'ai paye ma dette a la plus belle Patrie du monde et que je
suis mort pour elle. Levez la tete bien haut, on doit vous saluer bien
bas!
Tu m'as souvent recommande, ma femme adoree, d'avoir du courage. J'avais
le mien propre et celui que tu m'as donne. Je te les adresse tous deux
pour t'aider a supporter la douleur. Je t'ai toujours aimee, mon Angele
cherie, malgre mes quelques rares moments d'emportement, je ne t'ai
jamais oubliee et j'aspirais, mon Dieu! avec quelle ardeur, au bonheur
du retour. Je ne te laisse rien que mon souvenir et je partirai
tranquille car tu le garderas autant que la vie, je le sais. Nous nous
aimions trop. Raidis-toi, ma petite femme, je te laisse nos enfants et
c'est a eux que je m'adresse maintenant.
Mon petit Vonvon, tu as deja onze ans et demi, tu es une grande fille,
tu seras avant peu une petite femme. Tu te souviendras de moi mieux que
le pauvre Dudu. Tu me connais, tu sais ce qui me plait et ce qui me
deplait. Eh bien, dans tous les actes de ta vie, demande-toi bien avant
d'agir ce que penserait le perot s'il etait la.
Aide la merotte de toutes tes forces, aide-la dans tous les soins
du menage; tu sais ce que je te reprochais bien doucement parfois:
Corrige-toi, deviens une bonne petite femme de menage
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