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je suis convaincu qu'il en sera ainsi jusqu'au bout et que je vous
reviendrai en bonne sante a la fin de la guerre, c'est-a-dire bientot,
car je ne crois pas que cette guerre dure encore de longs mois, comme le
disent les journaux.
Je vous envoie mes plus affectueux baisers.
Georges NICOLET.
P.-S.--J'ai bien recu le quatrieme mandat de 50 francs. Le paquet de
sardines ne m'est pas arrive.
_Lettre ecrite par le Sergent Maurice NINORET, 123e Regiment
d'Infanterie, tombe au champ d'honneur le 7 mai 1916._
4 Mai 1916.
Chers amis,
Ma lettre, aujourd'hui, a un caractere special; je vous l'ecris du
fort de S---- ou 9e et 10e sommes arrives cette nuit. Meme vue a 10
kilometres, l'impression colossale de la lutte qui se dechaine devant
Verdun ne peut etre comparee a l'effroyable realite. Pauvre 123e, d'ici
a huit jours, il sera bien maigre. Hier soir seulement, pour faire la
releve sur les pentes sud de Douaumont, au cours de la traversee du bois
de la Caillette, ou plutot de ce qui le fut, le 10e bataillon a beaucoup
souffert; qu'il me suffise de vous dire que le lieutenant Verron a ete
tue, le capitaine Missaut blesse de nouveau, etc., etc.... Nous-memes
avons eu a traverser pour nous rendre ici, a 1.800 metres de la premiere
ligne, des rafales de leurs gros obus et une chance reelle nous a seule
permis d'en sortir indemnes.
Ce soir, nous allons renforcer le bataillon deja en ligne et, malgre
tout mon courage, qui n'est pas amoindri, j'apprehende cette galopade
a la mort. Il faut les vivre, ces minutes, pour en comprendre toute la
tragique angoisse; tout sent le carnage: par ici, l'air est empeste
d'une odeur de charnier.
Et pourtant notre artillerie nous montre bien sa terrible puissance par
son fracas ininterrompu. Nous ne resterons point longtemps ici, car
c'est le coin le plus terrible du secteur de Verdun. Tous les regiments
qui s'y succedent n'y font souvent pas plus de huit jours; a ce moment,
si je suis encore debout, je vous enverrai une carte....
Soyez persuades que ma facon de vous ecrire ne m'est pas inspiree par un
sentiment de crainte, mais bien parce que je suis logique avec moi-meme,
mais parce que dans cette fournaise l'importance de mon devoir
m'apparait precise et que tous mes efforts tendront a l'accomplir, pour
notre chere France, jusqu'a mon dernier soupir.
Chers amis, je vous embrasse, permettez-moi ce bonheur.
A bientot, et vive la France!
M. NINORET.
_Let
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