n pour moi que si devant la brigade on m'eut donne la
medaille militaire.
Malgre cela, n'ayez point trop d'inquietude, je sais que j'ai non
seulement a me garder pour vous, pour Germaine, mais aussi que les
cinquante hommes de ma section ont aussi des meres, des femmes, des
enfants.
Donc, je vous en prie, bien chers parents, pas de defaillances, meme
d'une minute. Ce serait m'oter de mon courage, de ma confiance que de
savoir que la-bas, bien loin, a la maison, maman se desespere.
J'attends une lettre dans laquelle maman me dira elle-meme qu'elle a
repris le dessus, et m'exhortant a avoir confiance.
Adieu, bien chers parents, recevez mes plus tendres embrassades.
OLLAGNIER.
_Lettre ecrite par le Sergent OUDET, Georges-Adolphe, 46e Regiment
Territorial d'Infanterie, tombe glorieusement a l'ennemi, le 24 Aout
1915, au bombardement de Nisslessmath._
20 Aout.
Ma chere petite Lulu,
Je recois bien tes lettres. En est-il de meme des miennes pour toi? Je
ne le pense pas, elles doivent subir un retard considerable depuis
qu'il nous est permis a nouveau d'ecrire sous enveloppe fermee, car, ne
pouvant s'assurer de l'observation stricte des consignes imposees aux
militaires que tres difficilement, l'autorite superieure les retarde
afin que, lorsqu'elles parviennent aux interesses, les renseignements
donnes ne puissent etre nuisibles aux mouvements ordonnes; mais enfin tu
les recevras. Dans cet ordre d'idees, je puis donc te parler de ma vie
de soldat, mais sans details, tu dois le comprendre.
La guerre actuelle est une guerre ou toute l'intelligence de l'homme est
mise a epreuve sous toutes ses formes: se masquer, c'est l'attention de
toutes les secondes; se demasquer, c'est le courage a l'instant choisi;
se garantir est un devoir, tout comme ricaner a la mort comme il le faut
en est un autre. Puisque ton coeur de femme est assez stoique, je vais
te donner avec la plus grande sincerite, denuee d'aucune ficelle, des
episodes. Je vois des choses qui vont te laisser reveuse.
Rien en ce moment et depuis une demi-heure deja, et cela va durer tout
le jour. Je t'ecris au son d'une musique militaire en plein centre
d'action--c'est fou--non, c'est sublime. Ici, la mort se fait en plein
champ. On salue celui qui tombe par une salve ou par une marche qui
hurle: "En avant!" On ne pleure pas les morts, on les eleve aux nues
sur des ondes sonores qui relient le coeur de l'homme aux confins du
ciel.... Une civiere p
|