erons nos regrets et vous saluons.
LOUIS.
Le 20 Aout 1914.
Bien chers Parents, Freres et Soeurs,
Les deux bonnes lettres de pere m'ont cause la plus grande joie et c'est
avec un plaisir toujours nouveau que je les lis et relis aux moments
ou l'esprit se repose de cette vie un peu ahurissante et mouvementee.
Depuis cinq jours, nous marchons, nous marchons sous la pluie, le
soleil, les nuages de poussiere. Nous faisons a peu pres 25 kilometres
chaque jour, sans voir autre chose de tous cotes que des fantassins, des
zouaves, des tirailleurs senegalais, des cavaliers, des artilleurs, bref
tout ce qu'un pays comme le notre peut aligner contre les laches et
barbares Allemands.
Depuis trois jours, nous sommes en Belgique, et l'accueil si chaleureux
et si hospitalier de la population nous reconforte et nous donne des
jambes et du coeur a l'ouvrage. Ce ne sont qu'acclamations sur notre
passage; on nous donne des fleurs, des drapeaux, des rubans; les seaux
de cafe, de biere, de cidre sont alignes sur le pas des portes, on
distribue a profusion d'immenses tartines de beurre et de confitures,
des cigarettes, des cigares.
Nous trouvons dans les villages la plus large hospitalite. Jusqu'a
present, je n'ai connu le lit dans la paille que deux fois. Vous voyez
que nous n'avons pas lieu jusqu'a present de nous plaindre. D'autre
part, les succes journaliers des armees belges et francaises nous
donnent confiance et espoir. Nous sommes maintenant a peu de distance de
l'ennemi, et il est fort probable qu'aujourd'hui nous aurons le bapteme
du feu. Je vous assure que je n'ai aucune apprehension. Que voulez-vous,
c'est au petit bonheur; j'ai toujours eu l'idee que nous en reviendrons;
si le contraire se produit, ma foi, vous pourrez avoir la certitude
que nous y sommes alles gaiement, sachant que nous travaillons pour le
bien-etre de tous ceux qui resteront et qui seront a jamais debarrasses
de ce fleau germanique qui empoisonne le monde depuis quarante ans.
Quelle fete a notre retour! Nous aurons a celebrer les victoires
francaises, la joie du retour et la venue au monde du cher petit que
nous attendons avec tant d'impatience et que je voudrais tant avoir
connu avant de partir.
Enfin, l'avenir nous reunira tous, plus unis et plus joyeux que jamais.
Je vous donnerai bientot d'autres nouvelles; communiquez celles que je
vous donne a tous ceux qui me sont chers.
Je vous embrasse tous, bien chers parents, freres et soeur
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