-il pas mieux mourir jeune, au cours d'une bataille qui peut-etre
decidera du sort du monde, de la belle mort du soldat et ne pas
affronter tous les chagrins, toutes les peines dont la vie est remplie?
J'ai fait toujours courageusement mon devoir; vous pouvez etre fiers de
moi, je n'ai pas failli a ma tache de bon soldat. Cela m'a ete assez
facile: je n'ai eu qu'a mettre en pratique les fiers et patriotiques
principes que vous m'avez toujours inculques.
Je n'ai pas toujours ete un fils bien docile. Oubliez-le, car j'etais
jeune.
Avant de vous quitter, je vous souhaite, parents adores, une vieillesse
tranquille, apres une vie de labeur comme la votre vous avez droit au
repos.
Et toi, chere soeurette, j'espere que Dieu exaucera tes voeux et que tu
vivras heureuse aupres de celui que ton coeur aime.
Petit frere, sois obeissant, travaille avec ardeur afin de devenir un
fils faisant honneur a ses parents.
Une pensee pour tous nos parents.
A vous tous, ma famille, une derniere fois, adieu.
CHARLES.
_Lettre ecrite par le Sergent Georges NICOLET, pasteur de l'eglise
reformee evangelique de Mont-rouge, 66e Regiment d'Infanterie, tombe au
champ d'honneur le 20 Fevrier 1915._
1er Fevrier 1915.
Mes chers Parents,
Je viens de prendre une grande decision. On manque de sous-officiers
dans les regiments d'infanterie et le ministre en a demande chez nous.
Personne ne voulait s'offrir. Il m'a semble que c'etait plus a moi qu'a
tout autre a donner l'exemple et je me suis fait inscrire. Entraines
par mon exemple, un caporal et trois hommes de mon groupe se sont fait
inscrire a leur tour et maintenant le branle est donne. J'espere que ma
decision ne vous peinera pas trop et que vous comprendrez qu'il y a des
circonstances ou un homme courageux ne peut pas s'empecher de payer de
sa personne. D'ailleurs, je ne suis pas beaucoup plus en danger dans un
regiment qu'aux brancardiers de corps, car on nous laisse de plus en
plus a bonne portee des canons allemands.
...Mais la question est plus haute. Il faut en finir avec les Allemands
et on n'en finira que si, au printemps, chacun donne a sa place et selon
ses aptitudes son coup d'epaule, et pour en finir la France a besoin
de reunir dans un faisceau tout ce qui lui reste d'hommes courageux et
capables de conduire ses soldats.
Je vous ecrirai le plus souvent possible, ne vous inquietez pas. Je me
suis deja tire sain et sauf de tant de situations perilleuses qu
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