u d'instants, je pense en revenir et, si
je meurs, ce ne sera pas sans avoir embrasse une derniere fois votre
photographie qui est placee dans mon portefeuille. Je regarde aussi
une derniere fois notre drapeau et le portrait du Marechal Joffre,
qui symbolisent la France et que je mets au-dessus de vous, mes chers
parents, car c'est pour elle que je mourrai au champ d'honneur.
Vive la France!
Adieu, mes chers parents.
LORMIER.
_Lettre ecrite par le Sergent Marcel DE LOSME, 116e Chasseurs Alpins,
tombe pour la France, le 26 Octobre 1916, sous le fort de Douaumont
(Verdun)._
14 Octobre 1916.
Maman cherie, chers tous,
Ce soir, pendant la manoeuvre, je relisais vos lettres si cheres. Quel
bon temps elles me font passer!... Tous ces petits details que vous me
racontez, bien loin de m'ennuyer, me font vivre avec vous. Les bruyeres
de Nans iront rejoindre les lis seches dans mon carnet de route, et
ainsi je me raccroche a toutes ces choses qui sont pour moi comme le
souvenir du Paradis perdu et comme un apercu de la terre promise.
Parfois je reve aussi, couche sur les coteaux meusiens arides sous le
ciel gris ... je reve, car dans les manoeuvres actuelles on ne marche
pas beaucoup, et alors c'est la vision, si vive qu'elle semble reelle,
de vous tous dans les lieux que j'aime tant. Je vous vois, en ce
moment, tous reunis, faisant, le soir, la promenade de Lorges, alors
qu'au-dessus des rochers gris la premiere etoile brille dans le ciel
encore clair.
Je vous vois, plus tard, a la veillee, autour de la table de famille,
plonges dans la lecture des journaux.... J'entends l'appel de vos voix
dans le jardin. Alors je me laisse bercer par des reves de paix et de
tendresse.
Mais, tout a coup, un appel de sifflet me reveille au milieu de la
guerre et de son attirail ... et je suis la voie que le devoir m'a
tracee.
Je la suis volontiers et sans regret, fortifiant au contraire cette
volonte qui nous est si souvent necessaire.... Je ne regrette rien, non
rien, quelque penible que soit ma vie parfois. Je sens que c'est la ce
que je devais faire et que je suis bien a ma place, et la satisfaction
de faire son devoir est encore quelque chose.
Et puis ce rude contact est une bonne chose: il faut avoir souffert
physiquement pour etre solide; il faut souffrir moralement pour avoir la
notion exacte de la vie et avoir l'ame haut placee.
Je sens qu'a ces deux points de vue j'ai fait d'immenses progres.
Quelque
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