e suis content
d'avoir enfin une raison d'etre. Depuis que je suis revenu au front, il
y a presque un an, l'evidence de mon utilite ne m'etait pas apparue. Je
vais enfin vivre de grandes heures. Pourvu que mes parents soient forts!
J'aime autant les savoir a Paris, ou ils pourront puiser chez vous un
peu de reconfort.
Comment te dire, cher oncle Paul, a quel point j'ai ete emu de savoir
que tu tournais vers moi tes pensees et tes voeux. Comment t'en
remercier, sinon en te disant que mon plus cher desir, si je reviens de
la guerre, sera d'avoir avec toi de frequents entretiens pour essayer de
profiter de ta longue experience des choses et des hommes, et de toute
la philosophie que tu as amassee.... Je termine en t'envoyant toute mon
affection, et en vous embrassant, tante Marie, Henri et toi, de tout
coeur.
JEAN.
_Lettre ecrite par le Sous-Lieutenant Claude LANGLE, tombe au champ
d'honneur le 26 Septembre 1915._
25 Septembre 1915.
Mon cher Papa,
Si jamais cette lettre t'arrive, ce sera parce que je serai tombe
glorieusement dans la grande bataille qui va achever le triomphe de la
France. C'est de bon coeur que je donne ma vie pour la plus belle de
toutes les causes. Je n'aurai que le regret de vous faire de la peine
a toi et a maman. Je vous en supplie, ne pleurez pas; c'est si beau
de mourir utilement! Nous sommes regiment d'attaque; les jeunes de la
classe 15 vont montrer le chemin victorieux aux vieux.
Si tu as l'occasion d'ecrire a Monsieur Canivinq, dis-lui de dire a mes
camarades de Carnot de faire comme nous, de consacrer leur vie a notre
beau pays de liberte, de se rappeler le cri de ralliement de 1915: "En
avant pour la France!"
Je vous embrasse tous de tout mon coeur.
Claude LANGLE.
_Lettre ecrite par Raphael LAPORTE, Aspirant au 215e Regiment
d'Infanterie, tombe au champ d'honneur, a Crugny (Marne), le 28 Mai
1918._
Langres, 18 Mars 1915.
Cher Papa et chere Maman,
Je vous envoie tout simplement ce petit perce-neige, cueilli dans les
jardins de l'hopital le 16 Mars 1915, date benie de mes vingt ans.
Vingt ans! l'age tant desire et tant regrette. A cette heure, je n'ose
leur sourire. Que vais-je bien en faire de mes vingt ans? Aidez-moi,
j'ai trop peur de les gaspiller follement et de les perdre a tout
jamais.
J'ai bien reflechi a toutes ces belles annees passees. Plus j'y songe,
plus je vous aime. Merci de tout coeur. Vous les avez faites belles,
bien belles; vo
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