s et Paul etaient dans le
ravissement et poussaient des cris de joie a chaque nouvel objet que
leur faisait voir le general. Les montres surtout excitaient leur
admiration. Le general en prit une de moyenne grandeur, y attacha la
belle chaine d'or qui etait faite pour elle, mit le tout dans un ecrin
ou boite en maroquin rouge et dit a Jacques:
"Celle-la, c'est celle que ton bon ami donnera a tante Elfy. Et puis,
ces deux-la, dit-il en retirant de la cassette deux montres avec des
chaines moins belles et moins elegantes, ce sont les votres que vous
donne votre bon ami. Mais ne dites pas que je vous les ai fait voir, il
me gronderait."
JACQUES.--C'est vous, mon bon general, qui nous les donnez.
LE GENERAL.--Non, vrai, c'est Moutier; c'est son present de noces.
JACQUES.--Mais quand donc les a-t-il achetees? Et avec quoi? il disait
tantot qu'il etait pauvre, qu'il n'avait pas d'argent.
LE GENERAL.--Precisement! Il n'a pas d'argent parce qu'il a tout
depense.
JACQUES.--Mais pourquoi a-t-il depense tout son argent en presents de
noces, puisqu'il ne voulait pas se marier, et que, sans vous, il ne se
serait pas marie?
LE GENERAL.--Precisement! C'est pour cela. Et quand je te dis quelque
chose, c'est tres impoli de ne pas me croire.
JACQUES.--Oui, mon bon general, mais quand vous nous donnez quelque
chose, et de si belles choses, nous serions bien ingrats de ne pas vous
remercier.
LE GENERAL.--Petit insolent! Puisque je te dis...
Il ne put continuer parce que Jacques et Paul se saisirent chacun d'une
de ses mains qu'ils baisaient et qu'ils ne voulaient pas lacher, malgre
les evolutions du general qui tirait a droite, a gauche, en avant, en
arriere: il commencait a se facher, a jurer, a menacer d'appeler au
secours et de les faire mettre a la salle de police. Il parvint enfin
a se degager et rentra tout rouge et tout suant dans la salle ou se
trouvaient Moutier, Elfy et sa soeur.
"Moutier, dit-il d'une voix formidable, entrez chez moi; j'ai a vous
parler!"
Moutier le regarda avec surprise; sa voix indiquait la colere, et, au
lieu de rentrer chez lui, il se promenait en long et en large, les mains
derriere le dos, soufflant et s'essuyant le front.
MOUTIER.--Que vous est-il arrive, mon general? Vous avez l'air...
LE GENERAL.--J'ai l'air d'un sot, d'un imbecile, qui a moins de force
d'esprit et de corps qu'un gamin de neuf ans et un autre de six. Quand
je parle, on ne me croit pas, et quand je veux m'
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