de voyage; ils y reussirent avec beaucoup de peine, mais deux
compartiments restaient vides.
JACQUES.--Il manque quelque chose, maman; on dirait que c'est un verre
et un couvert qui manquent; voyez la forme des places vides.
MADAME BLIDOT.--C'est vrai! Nous avons peut-etre mal mis les autres
pieces.
Torchonnet s'esquiva pendant que Mme Blidot et Jacques cherchaient a
remplir les deux vides du necessaire.
MADAME BLIDOT.--Impossible, mon ami; les deux pieces manquent, c'est
certain.
JACQUES.--Je suis pourtant bien sur que tout etait plein quand le
general nous a ouvert ce beau necessaire.
MADAME BLIDOT.--Il les a peut-etre emportees. Ce qui est certain
c'est que nous avons cherche partout sans rien trouver... Est-ce que
Torchonnet...?
JACQUES.--Oh non! maman. Torchonnet est parti. Et puis, il ne ferait pas
une vilaine chose comme ca. Jugez donc, il serait voleur!...
MADAME BLIDOT.--Mon bon Jacquot, tu es un bon et honnete enfant, toi,
mais ce pauvre garcon, qui a vecu entoure de mauvaises gens, ne doit pas
etre grand-chose de bon. Vois comme il est ingrat. Tu l'as entendu nous
menacer des gendarmes? Et pourtant, voici trois ans et plus que tous les
jours tu vas lui porter son diner pres du puits.
JACQUES.--C'est vrai, maman, mais il ne pensait pas a ce qu'il disait;
je crois qu'il nous aime et qu'il vous a de la reconnaissance pour
l'avoir nourri depuis trois ans.
Mme Blidot ne repondit qu'en embrassant Jacques; elle enferma les bijoux
et les autres effets du general dans une armoire dont elle emporta la
clef, et envoya Jacques et Paul a l'ecole ou ils allaient tous les
jours. Elfy se mit a travailler; elle etait triste, et sa soeur fut
assez longtemps avant de pouvoir la faire sourire. Vers le milieu du
jour, les voyageurs commencerent a arriver, ce qui donna aux deux soeurs
assez d'occupation pour les empecher de penser aux absents.
Quand Torchonnet rentra au presbytere, le cure lui demanda s'il avait
ete a l'ecole.
TORCHONNET.--Non, je ne sais rien, et l'ecole m'ennuie.
LE CURE.--C'est parce que tu ne sais rien que l'ecole t'ennuie! Quand tu
sauras quelque chose, tu t'y amuseras.
TORCHONNET.--C'est trop difficile.
LE CURE.--Mon pauvre enfant, ce que tu faisais chez ton mechant maitre
etait bien plus difficile, et tu l'as fait pourtant.
TORCHONNET.--Parce que j'y etais force.
LE CURE.--Il faudra bien que tu apprennes a lire, a ecrire et a compter,
sans quoi tu ne pourras te placer
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