poliment a la justice, Monsieur!
Des etrangers ne doivent pas assister a l'interrogatoire que j'ai a
faire, et je vous reitere l'ordre de sortir!
LE GENERAL.--L'ordre! Sachez, Monsieur, que je n'ai d'ordre a recevoir
de personne que de mon souverain (qui est tres loin). Sachez, Monsieur,
qu'en me forcant a m'en aller, vous faites un acte inique et absurde. Et
sachez enfin que, si vous m'obligez a quitter cette salle, aucune force
humaine ne m'y fera rentrer de plein gre et n'obtiendra de moi une
parole relative a ces coquins. LE JUGE.--Eh! Monsieur! c'est ce que nous
vous demandons; taisez-vous et partez!
LE GENERAL.--Je sors, Monsieur! Et je me ris de vous et de l'embarras
dans lequel vous allez vous trouver. Le general enfonca son chapeau sur
sa tete et se dirigea vers la porte. Moutier entrait au meme moment; il
se rangea, porta la main a son kepi:
"Pardon, general!" dit-il.
Le general sortit.
Le juge d'instruction regarda d'un air surpris.
"Qui etes-vous, Monsieur?" dit-il a Moutier.
MOUTIER.--Moutier, le principal temoin de l'affaire, Monsieur le juge;
celui qui a casse la cuisse de ce gredin-la, qui a enfonce le crane a
celui-ci et cause un etourdissement a cette gueuse de femme.
LE JUGE, souriant.--Tachez de menager vos epithetes, Monsieur; et qui
est le gros homme qui vient de sortir?
MOUTIER.--Le general Dourakine, mon prisonnier, que ces... je ne sais
comment les appeler, car enfin ce sont de fieffes coquins que ces
coquins, car coquins est le mot, que ces coquins auraient egorge si je
n'avais eu la chance de me trouver la.
LE JUGE.--Comment! ce monsieur est... Courez apres lui, monsieur
Moutier; faites-lui bien mes excuses. Ramenez-le: il faut absolument
qu'il fasse sa deposition.
Moutier partit et ne tarda pas a rattraper le general qui rentrait chez
lui, le teint allume, les veines gonflees, le souffle bruyant, avec tous
les symptomes d'une colere violente et concentree.
Lorsqu'il eut entendu la commission du juge, il s'arreta, tourna vers
Moutier ses yeux flamboyants et dit d'une voix sourde:
"Jamais! Dites a ce malappris qu'il se souvienne de mes paroles!"
MOUTIER.--Mais, mon general, on ne peut pas se passer de votre
deposition!
LE GENERAL.--Qu'on fasse comme si j'etais mort.
MOUTIER.--Mais vous ne l'etes pas, mon generai, et alors.
LE GENERAL.--Alors qu'on suppose que je le suis.
MOUTIER.--Mon general, c'est impossible. On ne peut se passer de vous.
LE GENER
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