l'arbre; il ferma les yeux et ne tarda pas a s'endormir, Quand Moutier
l'entendit legerement ronfler, il se releva lestement et partit au
galop, laissant pres du general un papier sur lequel il avait ecrit:
"Attendez-moi! mon general, je serai bientot de retour."
Le general dormait, Moutier courait; il parait que sa blessure ne le
genait guere, car il courut sans s'arreter jusqu'a Domfront; il demanda
au premier individu qu'il rencontra ou il pourrait trouver une voiture a
louer; on lui indiqua un aubergiste qui louait de tout; il y alla, fit
marche pour une carriole, un cheval et un conducteur, fit atteler de
suite, monta dedans et fit prendre au grand trot la route de Loumigny;
il ne tarda pas a arriver au tertre et a l'arbre ou il avait laisse le
general; personne! Le general avait disparu, laissant sa redingote, que
Moutier avait deposee par terre pres de lui.
Le pauvre Moutier eut un instant de terreur. Le cocher, voyant
l'alteration de cette belle figure si franche, si ouverte, si gaie,
devenue sombre, inquiete, presque terrifiee, lui demanda ce qui causait
son inquietude.
MOUTIER.--J'avais laisse la ce bon general, ereinte et endormi. Je ne
retrouve que sa redingote. Qu'est-il devenu?
LE COCHER.--Il, s'en est peut-etre retourne, ne vous voyant pas venir.
MOUTIER.--Tiens, c'est une idee! Merci, mon ami; continuons alors
jusqu'a Loumigny.
Le cocher fouetta son cheval qui repartit au grand trot; ils ne
tarderent pas a arriver a l'Ange-Gardien. Moutier sauta a bas de la
carriole, entra precipitamment et se trouva en face du general en
manches de chemise, son gros ventre se deployant dans toute son ampleur,
la face rouge comme s'il allait eclater, la bouche beante, les yeux
egares par la surprise.
Le general fut le premier a le reconnaitre.
"Que veut dire cette farce, Monsieur? Suis-je un Polichinelle, un
Jocrisse, un Pierrot, pour que vous vous permettiez un tour pareil? Me
planter la au pied d'un arbre! me perdre comme le Petit-Poucet! Profiter
d'un sommeil que vous avez perfidement provoque en feignant vous-meme de
dormir! Qu'est-ce, Monsieur? Dites. Parlez!
MOUTIER.--Mon general...
LE GENERAL.--Pas de vos paroles mielleuses, Monsieur! Expliquez-vous...
Dites...
MOUTIER, vivement.--Et comment voulez-vous que je m'explique, mon
general, quand vous ne me laissez pas dire un mot?
LE GENERAL.--Parlez, Monsieur l'impatient, le colere, l'ecervele,
parlez! nous vous ecoutons.
MOUTIER.--Je vou
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