tre, a carrure d'Hercule, parut si plaisante a Moutier
qu'il ne put s'empecher de rire. Le general, deride par la gaiete de
Moutier, le partagea si bien que tous deux riaient aux eclats quand Mme
Blidot, Elfy et les enfants, attires par le bruit, entrerent dans la
chambre; ils resterent stupefaits devant l'aspect bizarre du general
a moitie tombe sur un canape ou il se roulait a force de rire, et de
Moutier partageant sa gaiete et s'appuyant contre la table sur laquelle
etaient etales l'or et les bijoux de la cassette et du necessaire. Le
general se souleva a demi.
LE GENERAL.--Nous rions, parce que Ha! ha! ha!... Ma bonne madame
Blidot... Ha! ha! ha! Je voudrais etre le beau-frere de Moutier... en
vous epousant... Ha! ha! Ha!
MADAME BLIDOT.--M'epouser, moi! Ha! ha! ha! Voila qui serait drole, en
effet! Ha! ha! ha! La bonne betise! Ha! ha! Ha!
Elfy n'avait pas attendu la fin du discours du general pour partir aussi
d'un eclat de rire. Les enfants, voyant rire tout le monde, se mirent de
la partie: ils sautaient de joie et riaient de tout leur coeur. Pendant
quelques instants on n'entendit que des Ha! ha! ha! sur tous les tons.
Le general fut le premier a reprendre un peu de calme; Moutier et Elfy
riaient de plus belle des qu'ils portaient les yeux sur le general. Ce
dernier commencait a trouver mauvais qu'on s'amusat autant de la pensee
de son menage.
"Au fond, dit-il, je ne sais pas pourquoi nous rions. Il y a bien des
Russes qui epousent des Francaises, bien des gens de soixante-quatre ans
qui se marient, bien des comtes qui epousent des bourgeoises. Ainsi, je
ne vois rien de si drole a ce que j'ai dit. Suis-je donc si vieux, si
ridicule, si laid, si sot, si mechant, que personne ne puisse m'epouser?
Voyons. Moutier, vous qui me connaissez, est-ce que je ne puis pas me
marier tout comme vous?"--Parfaitement, mon general, parfaitement, dit
Moutier en se mordant les levres pour ne pas rire; seulement, vous etes
tellement au-dessus de nous, que cela nous a semble drole d'avoir pour
beau-frere un general, un comte, un homme aussi riche! Voila tout.
--C'est vrai, reprit le general; aussi n'est-ce qu'une plaisanterie.
D'ailleurs, Mme Blidot n'aurait jamais donne son consentement.
MADAME BLIDOT, riant.--Certainement non, general, jamais. Mais pourquoi
cet etalage d'or et de bijoux? Et toutes ces montres? Que faites-vous de
tout cela?
LE GENERAL.--Ce que j'en fais? Vous allez voir. Elfy, voici la votre!
Moutier
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