--Merci, Joseph; merci de votre confiance en mon commandement. Je
vous engage, d'apres cela, a faire vos preparatifs pour demain.
MOUTIER.--Il faut que j'en fasse part au general.
ELFY.--Oui, oui, et tachez qu'il ne s'emporte pas et qu'il n'ait pas
quelque idee... a sa facon. Moutier entra chez le general qui ecrivait.
MOUTIER.--Mon general, nous partons demain si vous n'y faites pas
d'obstacle.
LE GENERAL.--Quand vous voudrez, mon ami; je restais ici pour vous et
pour Elfy, plus que pour moi; moi je me porte bien et je suis pret a
continuer ma route. J'ecrivais tout juste a un carrossier que je connais
a Paris, de m'envoyer tout de suite une bonne voiture de voyage; ces
coquins de Bournier m'ont vole la mienne et je, suis a Pied.
MOUTIER.--Mais, mon general, vous n'aurez pas votre voiture avant dix
ou quinze jours; et que feriez-vous ici tout ce temps-la?
LE GENERAL.--Vous avez raison, mon cher; mais encore me faut-il une
voiture pour m'en aller. Je n'aime pas les routes par etapes, moi; et
comment trouver une bonne voiture dans ce pays?
Moutier tournait sa moustache; il cherchait un moyen.
MOUTIER.--Si j'allais a la ville voisine en chercher une, mon general?
LE GENERAL.--Allez, mon ami. Ou est Mme Blidot?
MOUTIER.--Dans la salle, mon general, a servir quelques voyageurs avec
Elfy.
LE GENERAL.--Demandez-leur donc s'il n'y a: pas de diligence qui passe
par ici.
Moutier sortit et rentra quelques instants apres.
MOUTIER.--Mon general, il y en a une a deux lieues d'ici, correspondance
du chemin de fer; elle passe tous les jours a midi.
LE GENERAL.--Si nous allions la prendre demain?
MOUTIER.--Je ne dis pas non, mon general; mais comment irez-vous?
LE GENERAL.--A pied, comme vous.
MOUTIER.--Mon general, pardon si je vous objecte que deux lieues, qui ne
seraient rien pour moi, sont de trop pour vous.
LE GENERAL.--Pourquoi cela? Suis-je si vieux que je ne puisse plus
marcher?
MOUTIER.--Pas du tout, mon general; mais... votre blessure...
LE GENERAL.--Eh bien! ma blessure... Est-ce que vous n'en avez pas une
comme moi? Une balle a travers le corps.
MOUTIER.--C'est vrai, mon general, mais... comme je suis plus mince que
vous,... alors...
LE GENERAL.--Alors quoi? Voyons, parlez, monsieur le Sylphe.
MOUTIER.--Mon general,... alors..., alors la balle, ayant eu moins de
trajet a faire, a dechire moins de chair... et ma blessure est moins
terrible.
Le general le regarda fixement:
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