ou du moins ce n'eut pas du
etre un mince sujet d'orgueil pour la ville de Blois, que cette
preference a elle donnee par Gaston d'Orleans, qui tenait sa cour
dans l'ancien chateau des Etats.
Mais il etait dans la destinee de ce grand prince d'exciter
mediocrement partout ou il se rencontrait l'attention du public et
son admiration. Monsieur en avait pris son parti avec l'habitude.
C'est peut-etre ce qui lui donnait cet air de tranquille ennui.
Monsieur avait ete fort occupe dans sa vie.
On ne laisse pas couper la tete a une douzaine de ses meilleurs
amis sans que cela cause quelque tracas. Or, comme depuis
l'avenement de M. Mazarin on n'avait coupe la tete a personne,
Monsieur n'avait plus eu d'occupation, et son moral s'en
ressentait. La vie du pauvre prince etait donc fort triste. Apres
sa petite chasse du matin sur les bords du Beuvron ou dans les
bois de Cheverny, Monsieur passait la Loire, allait dejeuner a
Chambord avec ou sans appetit, et la ville de Blois n'entendait
plus parler, jusqu'a la prochaine chasse, de son souverain et
maitre. Voila pour l'ennui extra-muros; quant a l'ennui a
l'interieur, nous en donnerons une idee au lecteur s'il veut
suivre avec nous la cavalcade et monter jusqu'au porche majestueux
du chateau des Etats. Monsieur montait un petit cheval d'allure,
equipe d'une large selle de velours rouge de Flandre, avec des
etriers en forme de brodequins; le cheval etait de couleur fauve;
le pourpoint de Monsieur, fait de velours cramoisi, se confondait
avec le manteau de meme nuance, avec l'equipement du cheval, et
c'est seulement a cet ensemble rougeatre qu'on pouvait reconnaitre
le prince entre ses deux compagnons vetus l'un de violet, l'autre
de vert. Celui de gauche, vetu de violet, etait l'ecuyer; celui de
droite, vetu de vert, etait le grand veneur. L'un des pages
portait deux gerfauts sur un perchoir, l'autre un cornet de
chasse, dans lequel il soufflait nonchalamment a vingt pas du
chateau.
Tout ce qui entourait ce prince nonchalant faisait tout ce qu'il
avait a faire avec nonchalance.
A ce signal, huit gardes qui se promenaient au soleil dans la cour
carree accoururent prendre leurs hallebardes, et Monsieur fit son
entree solennelle dans le chateau. Lorsqu'il eut disparu sous les
profondeurs du porche, trois ou quatre vauriens, montes du mail au
chateau derriere la cavalcade, en se montrant l'un a l'autre les
oiseaux accroches, se disperserent, en faisant a leur tour leurs
comm
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