nous charge de vous faire rafraichir ici, dit-il; il y a
en outre un logement au chateau pour vous.
-- Merci, monsieur de Saint-Remy, repondit Bragelonne. Vous savez
combien il me tarde d'aller presenter mes devoirs a M. le comte
mon pere.
-- C'est vrai, c'est vrai, monsieur Raoul, presentez-lui en meme
temps mes bien humbles respects, je vous prie.
Raoul se debarrassa encore du vieux gentilhomme et continua son
chemin.
Comme il passait sous le porche tenant son cheval par la bride,
une petite voix l'appela du fond d'une allee obscure.
-- Monsieur Raoul! dit la voix.
Le jeune homme se retourna surpris, et vit une jeune fille brune
qui appuyait un doigt sur ses levres et qui lui tendait la main.
Cette jeune fille lui etait inconnue.
Chapitre III -- L'entrevue
Raoul fit un pas vers la jeune fille qui l'appelait ainsi.
-- Mais mon cheval, madame, dit-il.
-- Vous voila bien embarrasse! Sortez; il y a un hangar dans la
premiere cour, attachez la votre cheval et venez vite.
-- J'obeis, madame.
Raoul ne fut pas quatre minutes a faire ce qu'on lui avait
recommande; il revint a la petite porte, ou, dans l'obscurite, il
revit sa conductrice mysterieuse qui l'attendait sur les premiers
degres d'un escalier tournant.
-- Etes-vous assez brave pour me suivre, monsieur le chevalier
errant? demanda la jeune fille en riant du moment d'hesitation
qu'avait manifeste Raoul.
Celui-ci repondit en s'elancant derriere elle dans l'escalier
sombre. Ils gravirent ainsi trois etages, lui derriere elle,
effleurant de ses mains, lorsqu'il cherchait la rampe, une robe de
soie qui frolait aux deux parois de l'escalier. A chaque faux pas
de Raoul, sa conductrice lui criait un _chut!_ severe et lui
tendait une main douce et parfumee.
-- On monterait ainsi jusqu'au donjon du chateau sans s'apercevoir
de la fatigue, dit Raoul.
-- Ce qui signifie, monsieur, que vous etes fort intrigue, fort
las et fort inquiet; mais rassurez-vous, nous voici arrives.
La jeune fille poussa une porte qui, sur-le-champ, sans transition
aucune, emplit d'un flot de lumiere le palier de l'escalier au
haut duquel Raoul apparaissait, tenant la rampe. La jeune fille
marchait toujours, il la suivit; elle entra dans une chambre,
Raoul entra comme elle. Aussitot qu'il fut dans le piege, il
entendit pousser un grand cri, se retourna, et vit a deux pas de
lui, les mains jointes, les yeux fermes, cette belle jeune fille
blonde, aux prunelles
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