ble de conduite que, comme jamais Turenne et Conde
n'avaient ete vainqueurs l'un de l'autre que sous les drapeaux du
roi, Raoul avait, si jeune qu'il fut encore, dix victoires
inscrites sur l'etat de ses services, et pas une defaite dont sa
bravoure et sa conscience eussent a souffrir. Donc Raoul avait,
selon le voeu de son pere, servi opiniatrement et passivement la
fortune du roi Louis XIV, malgre toutes les tergiversations, qui
etaient endemiques et, on peut dire, inevitables a cette epoque.
M. de Conde, rentre en grace, avait use de tout, d'abord de son
privilege d'amnistie pour redemander beaucoup de choses qui lui
avaient ete accordees et, entre autres choses, Raoul. Aussitot
M. le comte de La Fere, dans son bon sens inebranlable, avait
renvoye Raoul au prince de Conde.
Un an donc s'etait ecoule depuis la derniere separation du pere et
du fils; quelques lettres avaient adouci, mais non gueri, les
douleurs de son absence. On a vu que Raoul laissait a Blois un
autre amour que l'amour filial.
Mais rendons-lui cette justice que, sans le hasard et Mlle de
Montalais, deux demons tentateurs, Raoul, apres le message
accompli, se fut mis a galoper vers la demeure de son pere en
retournant la tete sans doute, mais sans s'arreter un seul
instant, eut-il vu Louise lui tendre les bras.
Aussi, la premiere partie du trajet fut-elle donnee par Raoul au
regret du passe qu'il venait de quitter si vite, c'est-a-dire a
l'amante; l'autre moitie a l'ami qu'il allait retrouver, trop
lentement au gre de ses desirs. Raoul trouva la porte du jardin
ouverte et lanca son cheval sous l'allee, sans prendre garde aux
grands bras que faisait, en signe de colere, un vieillard vetu
d'un tricot de laine violette et coiffe d'un large bonnet de
velours rape. Ce vieillard, qui sarclait de ses doigts une plate-
bande de rosiers nains et de marguerites, s'indignait de voir un
cheval courir ainsi dans ses allees sablees et ratissees.
Il hasarda meme un vigoureux _hum!_ qui fit retourner le cavalier.
Ce fut alors un changement de scene; car aussitot qu'il eut vu le
visage de Raoul, ce vieillard se redressa et se mit a courir dans
la direction de la maison avec des grognements interrompus qui
semblaient etre chez lui le paroxysme d'une joie folle. Raoul
arriva aux ecuries, remit son cheval a un petit laquais, et
enjamba le perron avec une ardeur qui eut bien rejoui le coeur de
son pere.
Il traversa l'antichambre, la salle a manger et le salo
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