i touche l'argent.
-- Payez-vous, ajouta l'inconnu.
-- Monsieur, je le ferai, puisque vous l'exigez absolument.
Un sourire triste effleura les levres du gentilhomme.
-- Mettez l'argent sur ce bahut, dit-il en se detournant en meme
temps qu'il indiquait le meuble du geste.
Cropole deposa un sac assez gros, sur le contenu duquel il preleva
le prix du loyer.
-- Maintenant, dit-il, Monsieur ne me fera pas la douleur de ne
pas souper... Deja le diner a ete refuse; c'est outrageant pour la
maison des Medicis. Voyez, monsieur, le repas est servi, et
j'oserai meme ajouter qu'il a bon air.
L'inconnu demanda un verre de vin, cassa un morceau de pain et ne
quitta pas la fenetre pour manger et boire.
Bientot l'on entendit un grand bruit de fanfares et de trompettes;
des cris s'eleverent au loin, un bourdonnement confus emplit la
partie basse de la ville, et le premier bruit distinct qui frappa
l'oreille de l'etranger fut le pas des chevaux qui s'avancaient.
-- Le roi! le roi! repetait une foule bruyante et pressee.
-- Le roi! repeta Cropole, qui abandonna son hote et ses idees de
delicatesse pour satisfaire sa curiosite.
Avec Cropole se heurterent et se confondirent dans l'escalier
Mme Cropole, Pittrino, les aides et les marmitons. Le cortege
s'avancait lentement, eclaire par des milliers de flambeaux, soit
de la rue, soit des fenetres.
Apres une compagnie de mousquetaires et un corps tout serre de
gentilshommes, venait la litiere de M. le cardinal Mazarin. Elle
etait trainee comme un carrosse par quatre chevaux noirs. Les
pages et les gens du cardinal marchaient derriere. Ensuite venait
le carrosse de la reine mere, ses filles d'honneur aux portieres,
ses gentilshommes a cheval des deux cotes. Le roi paraissait
ensuite, monte sur un beau cheval de race saxonne a large
criniere. Le jeune prince montrait, en saluant a quelques fenetres
d'ou partaient les plus vives acclamations, son noble et gracieux
visage, eclaire par les flambeaux de ses pages.
Aux cotes du roi, mais deux pas en arriere, le prince de Conde,
M. Dangeau et vingt autres courtisans, suivis de leurs gens et de
leurs bagages, fermaient la marche veritablement triomphale.
Cette pompe etait d'une ordonnance militaire.
Quelques-uns des courtisans seulement, et parmi les vieux,
portaient l'habit de voyage; presque tous etaient vetus de l'habit
de guerre. On en voyait beaucoup ayant le hausse-col et le buffle
comme au temps de Henri IV et
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