echeries du
Beuvron pour le poisson, aux serres de Cheverny pour les fleurs et
pour les fruits. On tirait du garde-meuble les tapisseries
precieuses, les lustres a grands chainons dores; une armee de
pauvres balayaient les cours et lavaient les devantures de pierre,
tandis que leurs femmes foulaient les pres au-dela de la Loire
pour recolter des jonchees de verdure et de fleurs des champs.
Toute la ville, pour ne pas demeurer au-dessous de ce luxe de
proprete, faisait sa toilette a grand renfort de brosses, de
balais et d'eau.
Les ruisseaux de la ville superieure, gonfles par ces lotions
continues, devenaient fleuves au bas de la ville, et le petit
pave, parfois tres boueux, il faut le dire, se nettoyait, se
diamantait aux rayons amis du soleil.
Enfin, les musiques se preparaient, les tiroirs se vidaient; on
accaparait chez les marchands cires, rubans et noeuds d'epees; les
menageres faisaient provision de pain, de viandes et d'epices.
Deja meme bon nombre de bourgeois, dont la maison etait garnie
comme pour soutenir un siege, n'ayant plus a s'occuper de rien,
endossaient des habits de fete et se dirigeaient vers la porte de
la ville pour etre les premiers a signaler ou a voir le cortege.
Ils savaient bien que le roi n'arriverait qu'a la nuit, peut-etre
meme au matin suivant. Mais qu'est-ce que l'attente, sinon une
sorte de folie, et qu'est-ce que la folie, sinon un exces
d'espoir? Dans la ville basse, a cent pas a peine du chateau des
Etats, entre le mail et le chateau, dans une rue assez belle qui
s'appelait alors rue Vieille, et qui devait en effet etre bien
vieille, s'elevait un venerable edifice, a pignon aigu, a forme
trapue et large ornee de trois fenetres sur la rue au premier
etage, de deux au second, et d'un petit oeil-de-boeuf au
troisieme.
Sur les cotes de ce triangle on avait recemment construit un
parallelogramme assez vaste qui empietait sans facon sur la rue,
selon les us tout familiers de l'edilite d'alors. La rue s'en
voyait bien retrecie d'un quart, mais la maison s'en trouvait
elargie de pres de moitie; n'est-ce pas la une compensation
suffisante?
Une tradition voulait que cette maison a pignon aigu fut habitee,
du temps de Henri III, par un conseiller des Etats que la reine
Catherine etait venue, les uns disent visiter, les autres
etrangler. Quoi qu'il en soit, la bonne dame avait du poser un
pied circonspect sur le seuil de ce batiment.
Apres le conseiller mort par strangulation ou m
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