ain, ce silence, tandis que
la-bas, tenez, voyez la-bas, regardez cet empressement, ces
lumieres, ces hommages! La! la! voyez-vous, la est le veritable
roi de France, mon frere.
-- Chez le cardinal?
-- Chez le cardinal, oui.
-- Alors, je suis condamne, Sire.
Louis XIV ne repondit rien.
-- Condamne est le mot, car je ne solliciterai jamais celui qui
eut laisse mourir de froid et de faim ma mere et ma soeur, c'est-
a-dire la fille et la petite-fille de Henri IV, si M. de Retz et
le Parlement ne leur eussent envoye du bois et du pain.
-- Mourir! murmura Louis XIV.
-- Eh bien! continua le roi d'Angleterre, le pauvre Charles II, ce
petit-fils de Henri IV comme vous, Sire, n'ayant ni Parlement ni
cardinal de Retz, mourra de faim comme ont manque de mourir sa
soeur et sa mere.
Louis fronca le sourcil et tordit violemment les dentelles de ses
manchettes.
Cette atonie, cette immobilite, servant de masque a une emotion si
visible, frapperent le roi Charles, qui prit la main du jeune
homme.
-- Merci, dit-il, mon frere; vous m'avez plaint, c'est tout ce que
je pouvais exiger de vous dans la position ou vous etes.
-- Sire, dit tout a coup Louis XIV en relevant la tete, c'est un
million qu'il vous faut, ou deux cents gentilshommes, m'avez-vous
dit?
-- Sire, un million me suffira.
-- C'est bien peu.
-- Offert a un seul homme, c'est beaucoup. On a souvent paye moins
cher des convictions; moi, je n'aurai affaire qu'a des venalites.
-- Deux cents gentilshommes, songez-y, c'est un peu plus qu'une
compagnie, voila tout.
-- Sire, il y a dans notre famille une tradition, c'est que quatre
hommes, quatre gentilshommes francais devoues a mon pere, ont
failli sauver mon pere, juge par un Parlement, garde par une
armee, entoure par une nation.
-- Donc, si je peux vous avoir un million ou deux cents
gentilshommes, vous serez satisfait, et vous me tiendrez pour
votre bon frere?
-- Je vous tiendrai pour mon sauveur, et si je remonte sur le
trone de mon pere, l'Angleterre sera, tant que je regnerai, du
moins, une soeur a la France, comme vous aurez ete un frere pour
moi.
-- Eh bien! mon frere, dit Louis en se levant, ce que vous hesitez
a me demander, je le demanderai, moi! ce que je n'ai jamais voulu
faire pour mon propre compte, je le ferai pour le votre. J'irai
trouver le roi de France, l'autre, le riche, le puissant, et je
solliciterai, moi, ce million ou ces deux cents gentilshommes et
nous verro
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