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l'Institut, il n'avait malheureusement jamais pu voir monter au-dessus
de cinq le nombre des Academiciens qui semblaient prets a voter pour
lui. Il savait que M. de Norpois disposait a lui seul d'au moins une
dizaine de voix auxquelles il etait capable, grace a d'habiles
transactions, d'en ajouter d'autres. Aussi le prince, qui l'avait connu
en Russie quand ils y etaient tous deux ambassadeurs, etait-il alle le
voir et avait-il fait tout ce qu'il avait pu pour se le concilier. Mais
il avait eu beau multiplier les amabilites, faire avoir au marquis des
decorations russes, le citer dans des articles de politique etrangere,
il avait eu devant lui un ingrat, un homme pour qui toutes ces
prevenances avaient l'air de ne pas compter, qui n'avait pas fait
avancer sa candidature d'un pas, ne lui avait meme pas promis sa voix!
Sans doute M. de Norpois le recevait avec une extreme politesse, meme
ne voulait pas qu'il se derangeat et "prit la peine de venir jusqu'a sa
porte", se rendait lui-meme a l'hotel du prince et, quand le chevalier
teutonique avait lance: "Je voudrais bien etre votre collegue",
repondait d'un ton penetre: "Ah! je serais tres heureux!" Et sans doute
un naif, un docteur Cottard, se fut dit: "Voyons, il est la chez moi,
c'est lui qui a tenu a venir parce qu'il me considere comme un
personnage plus important que lui, il me dit qu'il serait heureux que je
sois de l'Academie, les mots ont tout de meme un sens, que diable! sans
doute s'il ne me propose pas de voter pour moi, c'est qu'il n'y pense
pas. Il parle trop de mon grand pouvoir, il doit croire que les
alouettes me tombent toutes roties, que j'ai autant de voix que j'en
veux, et c'est pour cela qu'il ne m'offre pas la sienne, mais je n'ai
qu'a le mettre au pied du mur, la, entre nous deux, et a lui dire: "Eh
bien! votez pour moi", et il sera oblige de le faire.
Mais le prince de Faffenheim n'etait pas un naif; il etait ce que le
docteur Cottard eut appele "un fin diplomate" et il savait que M. de
Norpois n'en etait pas un moins fin, ni un homme qui ne se fut pas avise
de lui-meme qu'il pourrait etre agreable a un candidat en votant pour
lui. Le prince, dans ses ambassades et comme ministre des Affaires
Etrangeres, avait tenu, pour son pays au lieu que ce fut comme
maintenant pour lui-meme, de ces conversations ou on sait d'avance
jusqu'ou on veut aller et ce qu'on ne vous fera pas dire. Il n'ignorait
pas que dans le langage diplomatique causer signifie of
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