rut se resigner.
--Soyez tranquille, princesse. J'ai une petite gueuse de femme de
chambre qui est trop futee pour faire une betise... Donnez-moi toujours
les cinq cents francs... Ca lui donnera du coeur a l'ouvrage.
Naturellement, elle trouvait que ce serait de la folie de donner plus de
cinq louis a une femme de chambre.
Janina, qui deja n'avait pas une haute estime pour la Faramineuse, lui
donne cinq cents francs sous un regard de pitie.
--Donc, a minuit, dit-elle.
Caroline Bertin tendit la main a Janina, qui ne daigna pas comprendre;
la jeune femme voulait bien qu'on lui tendit la main pour recevoir de
l'argent, mais non pour serrer la sienne.
En descendant le grand escalier de l'hotel du Louvre, la courtisane
rencontra le prince Rio.
--D'ou viens-tu, Caroline?
La Faramineuse prit un air mysterieux pour conter l'histoire au prince.
--Voila un mari heureux! s'ecria-t-il en riant.
--Prince, vous avez votre coupe, mettez-moi a ma porte pour causer un
peu.
Que se dirent-ils?
Cependant la pseudo-princesse eclatait en sanglots.
Est-il possible que je vais jouer cette comedie? Oh! non, je ne la
jouerai pas.
Elle s'offensa de toute sa dignite.
--Et pourtant, comme je serais heureuse de dire demain a mon mari:
"Comment avez-vous passe la nuit?"
Affolee par sa passion, la temeraire jeune femme etait capable de tout,
hormis de trahir Fernand. Elle se disait que peut-etre Mme Hamilton
avait raison et qu'il fallait tout risquer pour ne pas tout perdre. Qui
sait s'il ne voudrait pas recommencer toujours cette nuit-la?
III
Jusqu'a onze heures, Janina, comme un roseau au vent, s'inclinait tour a
tour sous la volonte et l'indecision, se disant: "Je n'irai pas," quand
elle etait decidee a tenter l'aventure; se disant: "J'irai," quand elle
avait renonce a tout.
Ce qui la decida, coute que coute, vaille que vaille, c'est que son mari
ne rentra pas pour diner. Il lui ecrivit un mot qui la glaca.
Comme il aspirait a un secretariat d'ambassade, il lui parlait du
ministre.
--Encore un mensonge! dit-elle en jetant la lettre au feu. Le ministre,
c'est sa maitresse; eh bien! je serai son ministre, moi!
La Faramineuse demeurait rue Royale, dans un petit appartement qui
etait une premiere station vers les splendeurs de la vie de courtisane.
Jusque-la elle avait eu plus de dettes que de rentes sur l'Etat. Son
capital se composait de cinquante mille francs de diamants, d'un
mobilier de toutes
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