la cire representait une couronne de
princesse, une couronne fermee sur un ecusson serieux. Il respira le
parfum de la cire et de l'enveloppe.
--D'ou diable cela vient-il? C'est un parfum tout nouveau pour moi:
violette et lys.
En ouvrant le billet, il trouva que l'ecriture etait d'une haute
distinction; aussi prit-il un vif plaisir a lire ces quelques mots:
Je vous aime! Je voudrais vous dire cela
avec un masque. J'ai vingt-trois ans, pas un
mois de nourrice en plus. Voyez mon portrait,
pour savoir si je suis belle. Voulez-vous
perdre une heure a causer, avec moi?
Oui, n'est-ce pas? Passez ce soir avenue
Montaigne, a dix heures, mais non pas dans
votre coupe; prenez la premiere voiture venue,
si elle est fermee. Je descendrai de l'hotel
d'une de mes amies. Nous ferons un tour au
Bois; mais jurez-moi vos grands dieux que
vous ne souleverez pas mon triple voile. Le
bonheur se cache; moi je veux cacher ma
figure, comme mon bonheur. Il me semblera
que mon crime sera a moitie pardonne.
"CELLE QUI NE DIT PAS SON NOM."
Tout en lisant, Maurice avait regarde la petite photographie que
renfermait l'enveloppe. C'etait une tres jolie figure, animee par les
plus beaux yeux du monde; la bouche etait cruellement voluptueuse dans
son sourire felin, les levres s'entr'ouvraient charmeuses et gourmandes.
Maurice etait ravi; mais il regretta de voir le cou, les epaules et le
sein tout encharibotes de fourrures.
--Diable! dit-il, s'il y a trois voiles avec tout cela, je ne vois pas
bien ce qu'il y aura a mettre sous les dents!
Tout homme a son confident: Maurice ne put s'empecher de montrer cette
lettre a un ami du Club.
--Que ferais-tu a ma place?
--La belle question! j'irais au rendez-vous.
--Et si les trois voiles cachaient une vieille folle?
--Non; je respire la jeunesse dans ce billet doux.
--Et bien! vas-y; moi je ne suis pas familier a ces plaisirs-la.
--Je comprends: tu as le bonheur chez toi; tandis que moi je suis oblige
de courir apres.
Un silence.
--Mais, mon cher Maurice, je ne puis pas jouer ce jeu-la. Des que la
dame verra que ce n'est pas toi, elle se jettera hors de la voiture.
Elle n'y montera meme pas.
--Tu es bete! elle cherche une aventure: un homme en vaut un autre.
--Tu ne sais pas ce que tu dis; Je te rends ton billet. C'est a toi de
continuer le roman.
IV
Maurice resta indecis toute la journee; peut-etre ne fut-il pas alle au
rendez-
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