te est souffletee par
un simple gentilhomme sabin, et le gantelet de fer de Colonna
rougit la face de Boniface VIII.
Mais le roi de France, par la main duquel le soufflet avait ete
reellement donne, qu'allait-il advenir de lui sous le successeur
de Boniface VIII?
Ce successeur, c'etait Benoit XI, homme de bas lieu, mais qui eut
ete un homme de genie peut-etre, si on lui en eut donne le temps.
Trop faible pour heurter en face Philippe le Bel, il trouva un
moyen que lui eut envie, deux cents ans plus tard, le fondateur
d'un ordre celebre: il pardonna hautement, publiquement a Colonna.
Pardonner a Colonna, c'etait declarer Colonna coupable; les
coupables seuls ont besoin de pardon.
Si Colonna etait coupable, le roi de France etait au moins son
complice.
Il y avait quelque danger a soutenir un pareil argument; aussi
Benoit XI ne fut-il pape que huit mois.
Un jour, une femme voilee, qui se donnait pour converse de Sainte-
Petronille a Perouse, vint, comme il etait, a table, lui presenter
une corbeille de figues.
Un aspic y etait-il cache, comme dans celle de Cleopatre? Le fait
est que, le lendemain, le saint-siege etait vacant.
Alors Philippe le Bel eut une idee etrange, si etrange, qu'elle
dut lui paraitre d'abord une hallucination.
C'etait de tirer la papaute de Rome, de l'amener en France, de la
mettre en geole et de lui faire battre monnaie a son profit.
Le regne de Philippe le Bel est l'avenement de l'or.
L'or, c'etait le seul et unique dieu de ce roi qui avait soufflete
un pape. Saint Louis avait eu pour ministre un pretre, le digne
abbe Suger; Philippe le Bel eut pour ministres deux banquiers, les
deux Florentins Biscio et Musiato.
Vous attendez-vous, cher lecteur, a ce que nous allons tomber dans
ce lieu commun philosophique qui consiste a anathematiser l'or?
Vous vous tromperiez.
Au treizieme siecle, l'or est un progres.
Jusque-la on ne connaissait que la terre.
L'or, c'etait la terre monnayee, la terre mobile, echangeable,
transportable, divisible, subtilisee, spiritualisee, pour ainsi
dire.
Tant que la terre n'avait pas eu sa representation dans l'or,
l'homme, comme le dieu Terme, cette borne des champs, avait eu les
pieds pris dans la terre. Autrefois, la terre emportait l'homme;
aujourd'hui, c'est l'homme qui emporte la terre.
Mais l'or, il fallait le tirer d'ou il etait; et ou il etait, il
etait bien autrement enfoui que dans les mines du Chili ou de
Mexico.
L'or eta
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