a peu pres le costume de tous les
jeunes gens de l'epoque; mais ce qui les distinguait des elegants
de Paris et meme de la province, c'etaient leurs cheveux, longs et
plats, et leur cravate noire serree autour du cou, a la facon des
militaires.
Les muscadins -- c'etait le nom que l'on donnait alors aux jeunes
gens a la mode -- les muscadins portaient les oreilles de chien
bouffant aux deux tempes, les cheveux retrousses en chignon
derriere la tete, et la cravate immense aux longs bouts flottants
et dans laquelle s'engouffrait le menton. Quelques-uns poussaient
la reaction jusqu'a la poudre.
Quant au portrait des deux jeunes gens, il offrait deux types
completement opposes.
Le plus age des deux, celui qui plusieurs fois avait, nous l'avons
deja remarque, pris l'initiative, et dont la voix, meme dans ses
intonations les plus familieres, denotait l'habitude du
commandement, etait, nous l'avons dit, un homme d'une trentaine
d'annees, aux cheveux noirs separes sur le milieu du front, plats
et tombant le long des tempes jusque sur ses epaules. Il avait le
teint basane de l'homme qui a voyage dans les pays meridionaux,
les levres minces, le nez droit, les dents blanches, et ces yeux
de faucon que Dante donne a Cesar.
Sa taille etait plutot petite que grande, sa main etait delicate,
son pied fin et elegant; il avait dans les manieres une certaine
gene qui indiquait qu'il portait en ce moment un costume dont il
n'avait point l'habitude, et quand il avait parle, si l'on eut ete
sur les bords de la Loire au lieu d'etre sur les bords du Rhone,
son interlocuteur aurait pu remarquer qu'il avait dans la
prononciation un certain accent italien.
Son compagnon paraissait de trois ou quatre ans moins age que lui.
C'etait un beau jeune homme au teint rose, aux cheveux blonds, aux
yeux bleu clair, au nez ferme et droit, au menton prononce, mais
presque imberbe. Il pouvait avoir deux pouces de plus que son
compagnon, et, quoique d'une taille au-dessus de la moyenne, il
semblait si bien pris dans tout son ensemble, si admirablement
libre dans tous ses mouvements, qu'on devinait qu'il devait etre,
sinon d'une force, au moins d'une agilite et d'une adresse peu
communes.
Quoique mis de la meme facon, quoique se presentant sur le pied de
l'egalite, il paraissait avoir pour le jeune homme brun une
deference remarquable, qui, ne pouvant tenir a l'age, tenait sans
doute a une inferiorite dans la condition sociale. En outre, il
l'
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