belle. Il n'y a pas jusqu'a mon frere Edouard, un charmant gamin
de douze ans, qui vous fera partir des fusees dans les jambes et
qui baragouinera l'anglais avec vous; puis, ces quinze jours
passes, nous irons a Paris ensemble.
-- J'en viens, de Paris, fit l'Anglais.
-- Attendez donc, vous vouliez aller en Egypte pour voir le
general Bonaparte: il n'y a pas si loin d'ici a Paris que d'ici au
Caire; je vous presenterai a lui; presente par moi, soyez
tranquille, vous serez bien recu. Puis vous parliez de Shakespeare
tout a l'heure.
-- Oh! oui, j'en parle toujours.
-- Cela prouve que vous aimez les comedies, les drames.
-- Je les aime beaucoup, c'est vrai.
-- Eh bien, le general Bonaparte est sur le point d'en faire
representer un a sa facon, qui ne manquera pas d'interet, je vous
en reponds.
-- Ainsi, dit sir John hesitant encore, je puis, sans etre
indiscret, accepter votre offre?
-- Je le crois bien, et vous ferez plaisir a tout le monde, a moi
surtout.
-- J'accepte, alors.
-- Bravo! Eh bien, voyons, quand voulez-vous partir?
-- Aussitot qu'il vous plaira. Ma caleche etait attelee quand vous
avez jete cette malheureuse assiette a la tete de Barjols; mais
comme, sans cette assiette, je ne vous eusse jamais connu, je suis
content que vous la lui ayez jetee; oui, tres content.
-- Voulez-vous que nous partions ce soir?
-- A l'instant. Je vais dire au postillon de renvoyer un de ses
camarades avec d'autres chevaux, et, le postillon et les chevaux
arrives, nous partons.
Roland fit un signe d'assentiment.
Sir John sortit pour donner ses ordres, remonta en disant qu'il
venait de faire servir deux cotelettes et une volaille froide.
Roland prit la valise et descendit.
L'Anglais reintegra ses pistolets dans le coffre de sa voiture.
Tous deux mangerent un morceau pour pouvoir marcher toute la nuit
sans s'arreter, et, comme neuf heures sonnaient a l'eglise des
Cordeliers, tous deux s'accommoderent dans la voiture et
quitterent Avignon, ou leur passage laissait une nouvelle tache de
sang, Roland avec l'insouciance de son caractere, sir John Tanlay
avec l'impassibilite de sa nation.
Un quart d'heure apres, tous deux dormaient, ou du moins le
silence que chacun gardait de son cote pouvait faire croire qu'ils
avaient cede au sommeil.
Nous profiterons de cet instant de repos pour donner a nos
lecteurs quelques renseignements indispensables sur Roland et sa
famille.
Roland etait ne le 1er j
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