ma maison de la rue de la
Victoire, et peut-etre...
--
-- Peut-etre...
-- Qui sait? peut-etre au Luxembourg!
Puis, se rejetant en arriere, comme s'il regrettait d'en avoir
tant dit, meme a celui qu'il regardait comme son meilleur ami:
-- Route d'Orange! cria-t-il au postillon, et le plus vite
possible.
Le postillon, qui n'attendait qu'un ordre, fouetta ses chevaux; la
voiture partit, rapide et grondante comme la foudre, et disparut
par la porte d'Oulle.
III -- L'ANGLAIS
Roland resta immobile a sa place, non seulement tant qu'il put
voir la voiture, mais encore longtemps apres qu'elle eut disparu.
Puis, secouant la tete comme pour faire tomber de son front le
nuage qui l'assombrissait, il rentra dans l'hotel et demanda une
chambre.
-- Conduisez monsieur au n deg. 3, dit l'hote a une femme de chambre.
La femme de chambre prit une clef suspendue a une large tablette
de bois noir, sur laquelle etaient ranges, sur deux lignes, des
numeros blancs, et fit signe au jeune voyageur qu'il pouvait la
suivre.
-- Faites-moi monter du papier, une plume et de l'encre, dit le
jeune homme a l'hote, et si M. de Barjols s'informe ou je suis,
donnez-lui le numero de ma chambre.
L'hote promit de se conformer aux intentions de Roland, qui monta
derriere la fille en sifflant la _Marseillaise_.
Cinq minutes apres, il etait assis pres d'une table, ayant devant
lui le papier, la plume, l'encre demandes, et s'appretant a
ecrire.
Mais, au moment ou il allait tracer la premiere ligne, on frappa
trois coups a sa porte.
-- Entrez, dit-il en faisant pirouetter sur un de ses pieds de
derriere le fauteuil dans lequel il etait assis, afin de faire
face au visiteur, qui, dans son appreciation, devait etre soit
M. de Barjols, soit un de ses amis.
La porte s'ouvrit d'un mouvement regulier comme celui d'une
mecanique, et l'Anglais parut sur le seuil.
-- Ah! s'ecria Roland, enchante de la visite au point de vue de la
recommandation que lui avait faite son general, c'est vous?
-- Oui, dit l'Anglais, c'est moi.
-- Soyez le bienvenu.
-- Oh! que je sois le bienvenu, tant mieux! car je ne savais pas
si je devais venir.
-- Pourquoi cela?
-- A cause d'Aboukir.
Roland se mit a rire.
-- Il y a deux batailles d'Aboukir, dit-il: celle que nous avons
perdue, celle que nous avons gagnee.
-- A cause de celle que vous avez perdue.
-- Bon! dit Roland, on se bat, on se tue, on s'extermine sur le
champ de batail
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