attribuee a Aurore pour ses besoins personnels. En cela fit-elle acte de
malveillance ou preuve de perspicacite? Il semble qu'elle avait devine la
rapacite de Casimir, et elle rendit a sa fille un signale service. Ces
3.000 francs seront un jour pour George Sand le moyen de conquerir
l'independance. Mais, dans ses illusions de fiancee, elle n'y vit qu'une
precaution injurieuse. Elle aimait peut-etre Casimir Dudevant; a coup sur,
elle avait confiance en lui.
Le mariage fut celebre le 10 septembre 1822 a Paris, et quelques jours
apres les jeunes epoux partirent pour Nohant ou Deschartres les accueillit
avec joie. La vie conjugale reserve a Aurore des desillusions rapides,
vite accrues, et qui la pousseront aux resolutions extremes.
CHAPITRE V
LA CRISE CONJUGALE
Apres s'etre etendue avec complaisance et prolixite sur les origines de sa
famille et les evenements de sa prime jeunesse, George Sand ne consacre,
dans l'_Histoire de ma Vie_, qu'un petit nombre de pages aux annees qui
suivirent son mariage. De lune de miel il n'est pas question. Si elle
s'efforca d'aimer son mari, elle ne trouva en lui aucune ressource
d'affection ni de sensibilite. Tout aussitot elle se tourna vers les
esperances, puis vers les joies de la maternite. Sa sante fut assez
eprouvee par l'hiver tres rude de 1822-1823, et Aurore connut les longues
journees solitaires et silencieuses. Casimir Dudevant etant a la chasse de
l'aube au crepuscule, elle occupait ses loisirs par le travail de la
layette. "Je n'avais, dit-elle, jamais cousu de ma vie; mais, quand cela
eut pour but d'habiller le petit etre que je voyais dans tous mes songes,
je m'y jetai avec une sorte de passion." Vite elle apprit le _surjet_ et
le _rabattu_. Depuis lors elle declare avoir toujours aime le travail a
l'aiguille, veritable recreation et detente pour l'esprit. Son opinion a
cet egard merite d'etre retenue; c'est l'apologie de la couture formulee
par une femme qui fut, entre toutes, adonnee au labeur intellectuel: "J'ai
souvent entendu dire que les travaux du menage, et ceux de l'aiguille
particulierement, etaient abrutissants, insipides, et faisaient partie de
l'esclavage auquel on a condamne notre sexe. Je n'ai pas de gout pour la
theorie de l'esclavage, mais je nie que ces travaux en soient une
consequence. Il m'a toujours semble qu'ils avaient pour nous un attrait
naturel, invincible, puisque je l'ai ressenti a toutes les epoques de ma
vie, et qu'ils ont calm
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