on avec lui a
son retour, qui, d'apres les derniers mots de sa lettre, que vous m'avez
montree, me parait devoir ou pouvoir etre prochain. J'ai ete trop
profondement blessee des decouvertes que j'ai faites sur sa conduite, pour
lui conserver aucun autre sentiment qu'une compassion affectueuse.
Faites-lui comprendre, tant qu'il en sera besoin, que rien dans l'avenir
ne peut nous rapprocher. Si cette dure commission n'est pas necessaire,
c'est-a-dire si Jules comprend de lui-meme qu'il doit en etre ainsi,
epargnez-lui le chagrin d'apprendre qu'il a tout perdu, meme mon estime.
Il a sans doute perdu la sienne propre. Il est assez puni."
Elle avait fait d'ailleurs, pour le tenir a distance, tous les sacrifices
utiles. C'est avec l'argent qu'elle lui transmit qu'il put effectuer un
voyage en Italie, cette meme annee 1833. George Sand, en lui fermant sa
porte, en lui retirant le souper, le gite et le reste, lui laissait du
moins un viatique. Elle le congediait en l'indemnisant. C'est le principe
de la loi sur les accidents du travail.
Un philosophe a dit: "Une femme peut n'avoir qu'un amant, mais elle ne
peut pas n'en avoir que deux." Quand la serie est commencee, il faut
poursuivre. George Sand continua. _Alea jacta est_. Instituons donc une
chronologie. Le second fut encore un homme de lettres, mais qui ne fit que
passer, comme l'ombre sur la muraille dont parle Platon. Prosper Merimee
et George Sand n'avaient rien de ce qui importait, ni pour se complaire ni
meme pour se comprendre. Ce fut une deplorable experience, sans lendemain.
Sainte-Beuve y joua-t-il le role facheux de truchement et d'intermediaire?
Lui ecrivit-elle apres coup: "Vous me l'avez prete, je vous le rends?" En
tous cas, il exerca en cette occurrence l'emploi de confident. Elle lui
explique comment, "deja tres vieille et encore un peu jeune", elle commit
cette grossiere erreur, sans enthousiasme, par nonchalance et
desoeuvrement. Elle avait des pensees de suicide. Prete a s'aller noyer,
elle se raccrocha a une branche qui manquait de solidite:
"Un de ces jours d'ennui et de desespoir, je rencontrai un homme qui ne
doutait de rien, un homme calme et fort, qui ne comprenait rien a ma
nature et qui riait de mes chagrins. La puissance de son esprit me fascina
entierement; pendant huit jours je crus qu'il avait le secret du bonheur,
qu'il me l'apprendrait, que sa dedaigneuse insouciance me guerirait de mes
pueriles susceptibilites. Je croyais qu'il avait so
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