ment."
George Sand aussi travaillait sur commande, pour satisfaire au gout du
jour. Sans compter des articles et des fantaisies dans le _Figaro_, elle
publiait dans la _Revue de Paris_ une nouvelle, la _Prima Donna_, et, dans
la _Mode_ du 15 mars, la _Fille d'Albano_. Ce sont des bluettes.
Apres deux sejours a Nohant au milieu et a la fin de 1831, elle revient a
Paris en avril 1832, amene Solange et s'installe quai Saint-Michel, au
cinquieme etage d'une grande maison d'ou elle a une vue superbe sur
Notre-Dame, Saint-Jacques la Boucherie et la Sainte-Chapelle. "J'avais,
ecrit-elle, du ciel, de l'eau, de l'air, des hirondelles, de la verdure
sur les toits." Disons plus exactement: trois petites pieces avec balcon
pour trois cents francs par an. Mais les etages etaient rudes a monter,
d'autant qu'il fallait porter Solange deja tres lourde. La portiere
faisait le menage pour quinze francs par mois; un gargotier du voisinage
apportait la nourriture, moyennant deux francs par jour. George Sand
savonnait, repassait son linge fin. Et elle etait plus heureuse que dans
le bien-etre materiel de Nohant. Elle avait emprunte quelque argent a
Henri de Latouche pour s'acheter des meubles, somme qui fut remboursee par
M. Dudevant. Dans cette existence etroite et presque miserable, elle
goutait les joies de la liberte et celles de la tendresse. "Vivre,
mandait-elle a Charles Duvernet, que c'est doux! que c'est bon! malgre les
chagrins, les maris, l'ennui, les dettes, les parents, les cancans, malgre
les poignantes douleurs et les fastidieuses tracasseries. Vivre, c'est
enivrant! Aimer, etre aime, c'est le bonheur, c'est le ciel!" Ici George
Sand laisse transparaitre l'enthousiasme de son premier amour vraiment
complet, autrement fougueux que les expansions d'antan avec Aurelien de
Seze. Elle confesse, en sa correspondance, l'ardeur qui circule dans ses
veines, qui bouillonne dans son sein. Nous sommes sous le premier consulat,
celui de Jules Sandeau.
Il en resulta ce roman longuet, _Rose et Blanche_, ou il est malaise de
faire la part des deux collaborateurs. C'est un parallelisme assez factice
entre les destinees de Blanche la novice et de Rose la comedienne. La
lecture de ces cinq petits volumes laisse une impression monotone et
maussade. On se contente, a l'ordinaire, de parcourir le premier chapitre,
intitule "la Diligence," qui est un peu bien naturaliste. Jamais ce ton
faubourien ne se retrouvera dans l'oeuvre de George Sand. I
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