lui ecrit du style
le plus tendu et avec des sentiments presque surhumains, a tout le moins
suraigus: "J'aurais voulu m'agenouiller devant vous et baiser la _trace
embaumee_ de vos pas." Ceci donne le ton et comme le parfum du livre, ou
toutes les sensations analysees ont une acuite extreme. Le vrai portrait
de Lelia nous est offert au cours d'un bal costume chez le riche musicien
Spuela. Elle a "le vetement austere et pourtant recherche, la paleur, la
gravite, le regard profond d'un jeune poete d'autrefois." Et Stenio, qui
la contemple avec extase, s'ecrie amoureusement: "Regardez Lelia, regardez
cette grande taille grecque sous ces habits de l'Italie devote et
passionnee, cette beaute antique dont la statuaire a perdu le moule, avec
l'expression de reverie profonde des siecles philosophiques; ces formes et
ces traits si riches; ce luxe d'organisation exterieure dont un soleil
homerique a seul pu creer les types maintenant oublies... Regardez! C'est
le marbre sans tache de Galatee avec le regard celeste du Tasse, avec le
sourire sombre d'Alighieri. C'est l'attitude aisee et chevaleresque des
jeunes heros de Shakespeare; c'est Romeo, le poetique amoureux; c'est
Hamlet, le pale et ascetique visionnaire; c'est Juliette, Juliette
demi-morte, cachant dans son sein le poison et le souvenir d'un amour
brise." Puis l'enumeration continue, avec Raphael, avec Corinne au
Capitole, avec le page silencieux de Lara. Et tous ces hommes, et toutes
ces femmes, toutes ces idealites, c'est Lelia!
Elle nous apparait aussi dans le cadre prestigieux de la nature, et c'est
sous le pinceau de George Sand un paysage d'une magie transcendante et
d'une perspective infinie: "Hier, a l'heure ou le soleil descendait
derriere le glacier, noye dans des vapeurs d'un rose bleuatre, alors que
l'air tiede d'un beau soir d'hiver glissait dans vos cheveux, et que la
cloche de l'eglise jetait ses notes melancoliques aux echos de la vallee;
alors, Lelia, je vous le dis, vous etiez vraiment la fille du ciel. Les
molles clartes du couchant venaient mourir sur vous et vous entouraient
d'un reflet magique. Vos yeux leves vers la voute bleue ou se montraient a
peine quelques etoiles timides, brillaient d'un feu sacre. Moi, poete des
bois et des vallees, j'ecoutais le murmure mysterieux des eaux, je
regardais les molles ondulations des pins faiblement agites, je respirais
le suave parfum des violettes sauvages qui, au premier jour tiede qui se
presente, au premie
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