Enfin je l'ai fourree a l'hotel
de Narbonne." Elle promet a Maurice d'etre de retour a Nohant dans huit
jours au plus. Il n'en sera rien, et elle le sait elle-meme, en faisant ce
mensonge maternel. Elle a l'intention de passer au moins trois mois hors
de sa famille.
Ou descendit-elle des l'abord a Paris? Ce point est obscur. En tous cas,
ce ne fut pas chez son frere Hippolyte, car elle ecrit a Maurice dans sa
premiere lettre: "Je n'ai pas encore eu le temps de voir ton oncle. Je
pense que je le verrai aujourd'hui." Elle n'alla donc pas directement 31
rue de Seine, ou etait l'appartement de M. Chatiron; mais on ignore si
elle se rendit rue Racine, chez Jules Sandeau, comme l'affirme M. Henri
Amic, ou 4 rue des Cordiers, proche la Sorbonne, en cet hotel Jean-Jacques
Rousseau, ainsi denomme parce que le philosophe genevois y avait rencontre
et aime Therese.
George Sand ne se soucie pas de nous fournir a cet egard des
renseignements precis. Elle imprime meme a l'_Histoire de ma Vie_ une tout
autre allure, a dater du depart de Nohant, et elle s'en explique, non sans
quelque embarras, au debut du treizieme chapitre de la quatrieme partie:
"Comme je ne pretends pas donner le change sur quoi que ce soit en
racontant ce qui me concerne, je dois commencer par dire nettement que je
veux _taire_ et non _arranger_ ni _deguiser_ plusieurs circonstances de ma
vie. Mais, vis-a-vis du public, je ne m'attribue pas le droit de disposer
du passe de toutes les personnes dont l'existence a cotoye la mienne. Mon
silence sera indulgence ou respect, oubli ou deference, je n'ai pas a
m'expliquer sur ces causes. Elles seront de diverses natures probablement,
et je declare qu'on ne doit rien prejuger pour ou contre les personnes
dont je parlerai peu ou point. Toutes mes affections ont ete serieuses, et
pourtant j'en ai brise plusieurs sciemment et volontairement. Aux yeux de
mon entourage, j'ai agi trop tot ou trop tard, j'ai eu tort ou raison,
selon qu'on a plus ou moins bien connu les causes de mes resolutions...
Tout le monde sait de reste que dans toute querelle, qu'elle soit soit de
famille ou d'opinion, d'interet ou de coeur, de sentiments ou de principes,
d'amour ou d'amitie, il y a des torts reciproques et qu'on ne peut
expliquer et motiver les uns que par les autres. Il est des personnes que
j'ai vues a travers un prisme d'enthousiasme et vis-a-vis desquelles j'ai
eu le grand tort de recouvrer la lucidite de mon jugement. Tout ce
qu'e
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