t aussi tard; mais le succes de leur entreprise lui ferme la
bouche.
Comment exprimer la joie de la vieille femme en revoyant ses deux
chevres, unique soutien de son existence? Elle leur touche la tete, pour
bien s'assurer que ce sont elles; et les pauvres betes belent de joie
en la revoyant, et lechent les mains qui leur avaient prodigue tant de
soins. Celles de Theonie et de Clara furent mouillees des larmes de la
reconnaissance. Les patres, en recevant leur vache des mains de leur
archeveque, ne rendirent pas plus de graces a Dieu que ne lui en rendait
en ce moment la chevriere pour les deux anges qui l'avaient secourue
avec tant de devouement et de courage. M. Germont, attire lui-meme par
les cris joyeux qu'il avait entendus, revint sur ses pas, et ne put
s'empecher d'etre vivement touche du tableau qui s'offrait a ses
regards; il voulut, de son cote, contribuer au bien-etre de la
chevriere; il lui offrit d'etre la surveillante de sa basse-cour,
ordinairement tres-peuplee de toutes sortes d'animaux domestiques. La
bonne vieille accepta cet emploi, qui convenait si bien a ses habitudes
et lui assurait le bonheur pour tout le temps qu'elle avait a vivre.
Theonie et Clara se feliciterent plus encore de ce qu'elles avaient fait
pour cette pauvre femme; et, depuis cet heureux jour, elles ne cesserent
d'eprouver l'influence de la peinture sur les moeurs, et conserverent
toute leur vie le touchant souvenir du tableau de Fenelon.
LE CHATEAU DE CHENONCEAUX
OU
LES PORTRAITS HISTORIQUES.
De toutes les belles habitations qu'on remarque dans la Touraine, et qui
nous offrent des souvenirs attachants, il n'en est point de comparable
au chateau de Chenonceaux. Qu'on se figure un vaste batiment tout a la
fois gothique et moderne, s'elevant sur un pont construit au-dessus du
Cher! qu'on se represente une salle de bains et des offices pratiques
dans les piles qui separent les arches, une bibliotheque et un salon,
sous le parquet desquels passent les nombreux bateaux allant a dix
lieues de la se jeter dans la Loire! En un mot, qu'on invente dans son
imagination tout ce que la nature et la feerie meme pourraient former de
plus ravissant, de plus romantique, de plus varie dans ses details; ce
reve enchanteur est, pour ainsi dire, realise dans ce lieu de delices
qu'ont chante tour a tour les poetes les plus celebres, que citent dans
leurs ecrits un grand nombre d'historiens, et que chaque jour encore
retracent sous leur
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