ton pere que je le prie de me laisser disposer de pareille quantite de
terrain dans le champ qu'il croira le plus fertile, et que toi-meme tu
ensemenceras en ma presence. Je suis curieux de savoir ce que mes deux
boisseaux de ble me produiront a la moisson prochaine.--C'est facile a
vous dire: si l'annee est bonne, vous pouvez compter sur dix fois la
semence.--Dix fois! s'ecria Leontine avec etonnement.--Oui, mam'zelle,
et meme douze; ca depend de l'engrais et du labour.--Bon Charles, je te
recommande de ne rien negliger pour faire prosperer mon essai rural, et
je saurai te recompenser de tes soins."
En effet, Charles prepara la portion de champ necessaire, et lorsqu'elle
fut entouree de palissades par le jardinier du chateau, pour la
distinguer des autres portions de terre et en defendre l'entree, M.
de Brevanne vint avec sa fille voir semer le produit de la gerbe de
Marguerite, et celle-ci, de son cote, fut chargee de veiller a ce petit
enclos, d'en arracher les herbes parasites. Le baron, en lui remettant
la clef du treillage, lui recommanda particulierement cet essai, lui
assurant qu'il pourrait leur etre utile a tous les deux.
L'automne touchait a sa fin: la famille de Brevanne regagna Paris.
Pendant tout l'hiver, il ne se passait pas un seul jour que le
naturaliste ne songeat a sa petite reserve, sur laquelle il formait de
grands projets, il entrevoyait de grandes jouissances. Quant a Leontine,
distraite par le tourbillon du grand monde ou la conduisait sa mere,
elle oublia tout-a-fait et le champ de ble et la glane, et meme la
pauvre Marguerite.
Le printemps reparut, et le premier de mai ramena le baron et ces dames
a leur terre. La reserve revint alors a la pensee de Leontine; malgre
les plaisanteries de sa mere, elle fut curieuse de savoir comment elle
prosperait. Des le lendemain de son arrivee, elle s'y laissa conduire
par son pere: ils y trouvent Marguerite occupee a detruire les plantes
nuisibles. Elle vient a leur rencontre, et avec cette gaiete franche qui
la caracterise, elle leur dit que Dieu semblait avoir beni ses glanes,
et que jamais on n'avait vu, dans le pays, de plus beaux epis. "Il est
vrai, ajoute-t-elle, qu'il n' s' passe pas de jour que je n' venions y
donner un coup d' main, et j' perds mon nom d'honnete fille si l'on
peut y trouver un seul brin d'ivraie, ou meme un pied d' chardon.--Oh!
j'etais bien sur, lui dit M. de Brevanne, que mon essai rural etait en
bonnes mains.... Comment va
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