aupres de sa chere Isaure, dont elle ne pouvait
concevoir la desobeissance et surtout l'etourderie. Oh! combien de fois
elle fut tentee de tout reveler, et de reprendre le pesant fardeau dont
son admirable soeur se laissait accabler pour elle! Ce qui confondait
le plus madame de Saintene c'etait l'heroique resignation d'Isaure,
qui n'implorait aucunement son assistance pour flechir le president.
Celui-ci ne s'etonnait pas moins du silence de la pretendue coupable; et
peut-etre accusait-il deja d'ingratitude et de froideur le coeur le plus
aimant, le plus genereux. Isaure, en effet, trouvait ne pas payer trop
cher le bonheur d'empecher Celina d'etre replongee dans l'etat obscur
d'ou elle etait sortie, et de renoncer au sort brillant qui lui etait
assure.
Mais, en meme temps, quelle forte et touchante lecon pour notre
etourdie, de voir ce que souffrait sa soeur, reduite a rester dans sa
chambre, a ne point paraitre a table, au salon, ni meme dans le jardin;
a passer aux yeux de tous les gens de la maison pour une curieuse
indiscrete, elle qui, de sa vie, n'avait commis aucune faute de ce
genre.... On esperait enfin que le president se laisserait toucher; et a
la vue de son valet de chambre qui entre furtivement chez Celina, Isaure
presume qu'enfin son tourment va finir; mais quel est l'etonnement des
deux orphelines, en apprenant que M. de Saintene, blesse de ce que
l'exilee n'avait fait faire aucune tentative pour obtenir sa grace, et
presumant, d'apres cette etrange conduite, qu'elle n'en conservait aucun
repentir, exigeait qu'elle fut encore une semaine entiere sans paraitre
devant lui.
"Je ne le souffrirai pas!" s'ecria Celina; et aussitot elle s'elance
dans le cabinet du president, tombe a ses pieds, et lui revele toute la
verite. "C'est moi, lui dit-elle, fondant en larmes, c'est moi qui fus
assez malheureuse pour briser ce buste si precieux, et qui vous etait
si cher. Isaure, voulant me sauver du juste chatiment que je meritais,
Isaure vous a laisse croire qu'elle etait l'auteur de ce funeste
accident.... Je sais bien que je m'expose a perdre pour jamais votre
appui, votre amitie qui m'est chere; mais je ne puis supporter plus
longtemps que ma soeur adoptive soit victime de son devouement et de
son admirable discretion.... Chassez-moi, Monsieur, rejetez-moi dans
l'obscurite d'ou vous m'avez fait sortir; mais restituez votre tendresse
et votre estime a celle qui la merite si bien, et dont la rend plus
digne enc
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