s qui couvraient son
bureau de travail. Il lui semblait aussi que les pastilles de menthe,
que renfermait sa bonbonniere, etaient singulierement diminuees. En un
mot, il fut convaincu que sa fille, parvenue a reprimer aux yeux du
monde sa ridicule manie, s'y livrait encore en secret, et qu'elle etait
loin d'etre guerie. "Il me faudra donc, se disait ce tendre pere,
employer de fortes epreuves, frapper les sens de Melina par de vives
emotions. Oh! que cela me repugne, me desespere! et que je me repens de
n'avoir pas sevi de bonne heure contre ce penchant, devenu peut-etre
incurable! Ah! je le sens, mais trop tard, l'exces d'indulgence est une
faute grave, et les parents sont responsables du mal que font leurs
enfants, et dont ils n'ont pas eu la force de detruire le premier germe.
Un proces d'une haute importance fut soumis a la decision du tribunal
que presidait M. de Montbreuil. Il s'agissait d'une somme de cent
soixante mille francs qu'un faiseur d'affaires tres-renomme pretendait
avoir payee a un de ses clients, honnete negociant, pere de famille,
et dont c'etait presque toute la fortune. Celui-ci niait avoir recu
la somme, bien qu'un acquit, d'une forme assez equivoque, et qu'il
pretendait lui avoir ete surpris par son adversaire, semblat militer en
faveur de ce dernier. Les avocats les plus renommes avaient montre, dans
ce debat celebre, tout ce que le savoir et le talent ont de persuasif;
et les juges qui devaient prononcer etaient partages d'opinions. Les
uns, entraines par la reputation de probite dont n'avait cesse de jouir
le negociant, voulaient le faire triompher et se contenter de son
serment qu'il n'avait point recu la somme; les autres, rigoureux
observateurs de la loi, pretendaient que l'acquit presente par l'homme
d'affaires, n'etant point argue de faux, devait faire pencher la balance
de la justice en faveur de ce dernier. Dans cette occurrence, la voix
du president devait decider la question, et M. de Montbreuil, voulant
apporter dans cette cause les lumieres de l'impartialite qui la
caracterisait, ordonna, pour prononcer l'arret definitif, un delai de
quinzaine.
Pendant ce temps, un heureux hasard permit que l'avocat du negociant
decouvrit un ecrit particulier, de la main de l'homme d'affaires, qui
prouvait evidemment l'impossibilite ou il s'etait trouve jusqu'alors
d'acquitter les cent soixante mille francs. Cette piece importante
fut confiee a M. de Montbreuil, qui devait faire un nouveau resume
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