le _Saint-Avertin_,
renomme par la fertilite du vignoble, la beaute des sites et le nombre
considerable d'habitations delicieuses qu'il reunit. La plus belle est
le chateau de _Cange_, bati au sommet du coteau meridional de la riviere
qui baigne ses bas jardins et ses vastes prairies. On ne saurait trouver
dans la Touraine un point de vue a la fois plus riche et plus varie que
celui dont on jouit dans cet admirable sejour. On dirait que la nature
voulut y rassembler tout ce qui peut donner une idee de sa magnificence.
A droite, on decouvre la ville d'Amboise, et, sur la ligne horizontale,
le chateau de Blois; a gauche, la ville de Tours; plus bas, celles de
Luynes, de Langeais, et, huit lieues plus loin, les tourelles de la
forteresse de Saumur. En face s'elevent les riches coteaux de la Loire,
qui coule a une demi-lieue des rives du Cher, arrosant ensemble une
immense vallee de pres de trente lieues de long, de la plus belle
agriculture, et couverte de quatre-vingts villages qu'on distingue
aisement a l'aide du telescope. Aussi Barthelemy, qui y fut conduit
un jour, s'ecria-t-il a cet aspect ravissant: "Ah! c'est une seconde
creation!"
Ce chateau appartient aujourd'hui a l'un des plus riches fabricants de
scieries de la ville de Tours, allie de ma famille; et l'accueil qu'il
fait aux etrangers qui vont visiter cette belle demeure ajoute encore a
tout ce que la nature y reunit. Je ne vais jamais revoir le pays qui me
vit naitre sans attacher mes regards sur ce chateau de Cange, ou je
fus souvent accueilli dans ma jeunesse par l'honorable famille du
_Sevelinges_, dont le pays conserve encore le souvenir.
Lors du dernier voyage qui m'y conduisit, j'eus le bonheur d'embrasser
le vieux pasteur du lieu, nomme _Nivet_, jadis mon professeur de
troisieme au college royal de Tours, et je recueillis de sa bouche une
anecdote qui doit, si je ne me trompe, interesser vivement mes petites
amies.
Au bas du coteau de Saint-Michel, attenant au village de Saint-Avertin,
est une humble chaumiere occupee par une veuve infirme dont le mari et
les deux fils sont morts dans la funeste campagne de Moscou. Seule, sans
parents, sans appui, cette pauvre femme, qu'on appelait la mere Durand,
existait du travail de ses mains: elle employait tout son temps a
devider de la soie pour les fabricants de la ville de Tours, ce qui, en
s'occupant depuis cinq heures du matin jusqu'a huit heures du soir, peut
produire a l'ouvriere environ dix a douze
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