t lorsqu'elle fut accommodee dans son fauteuil:
-- Donnez, dit-il, vos ordres au plus respectueux de vos
serviteurs.
-- Helas! monsieur, repondit la reine, j'ai perdu l'habitude de
donner des ordres, et pris celle de faire des prieres. Je viens
vous prier, trop heureuse si ma priere est exaucee par vous.
-- Je vous ecoute, Madame, dit Mazarin.
-- Monsieur le cardinal, il s'agit de la guerre que le roi mon
mari soutient contre ses sujets rebelles. Vous ignorez peut-etre
qu'on se bat en Angleterre, dit la reine avec un sourire triste,
et que dans peu l'on se battra d'une facon bien plus decisive
encore qu'on ne l'a fait jusqu'a present.
-- Je l'ignore completement, madame, dit le cardinal en
accompagnant ces paroles d'un leger mouvement d'epaule. Helas! nos
guerres a nous absorbent le temps et l'esprit d'un pauvre ministre
incapable et infirme comme je le suis.
-- Eh bien! monsieur le cardinal, dit la reine, je vous apprendrai
donc que Charles Ier, mon epoux, est a la veille d'engager une
action decisive. En cas d'echec... Mazarin fit un mouvement... Il
faut tout prevoir, continua la reine; en cas d'echec, il desire se
retirer en France et y vivre comme un simple particulier. Que
dites-vous de ce projet?
Le cardinal avait ecoute sans qu'une fibre de son visage trahit
l'impression qu'il eprouvait; en ecoutant, son sourire resta ce
qu'il etait toujours, faux et calin, et quand la reine eut fini:
-- Croyez-vous, Madame, dit-il de sa voix la plus soyeuse, que la
France, tout agitee et toute bouillante comme elle est elle-meme,
soit un port bien salutaire pour un roi detrone? La couronne est
deja peu solide sur la tete du roi Louis XIV, comment
supporterait-il un double poids?
-- Ce poids n'a pas ete bien lourd, quant a ce qui me regarde,
interrompit la reine avec un douloureux sourire, et je ne demande
pas qu'on fasse plus pour mon epoux qu'on n'a fait pour moi. Vous
voyez que nous sommes des rois bien modestes, monsieur.
-- Oh! vous, Madame, vous, se hata de dire le cardinal pour couper
court aux explications qu'il voyait arriver, vous, c'est autre
chose, une fille de Henri IV, de ce grand, de ce sublime roi...
-- Ce qui ne vous empeche pas de refuser l'hospitalite a son
gendre, n'est-ce pas, monsieur? Vous devriez pourtant vous
souvenir que ce grand, ce sublime roi, proscrit un jour comme va
l'etre mon mari, a ete demander du secours a l'Angleterre, et que
l'Angleterre lui en a donne; il est vrai d
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