uniquement, disait-il, pour l'acquit de sa conscience.
De loin en loin, M. Saint-Pavin et le plus jeune des MM. Jottras
poussaient jusqu'a la rue Saint-Gilles.
Ils avaient suspendu, l'un les payements de sa maison de banque,
l'autre la publication du _Pilote financier_.
Mais ils n'etaient pas inoccupes pour cela, et au plus fort de la
detresse publique, ils trouvaient encore le moyen de speculer, on
ne savait sur quoi, et de realiser des benefices. Ils raillaient
d'ailleurs agreablement les imbeciles qui prenaient la defense au
serieux, et imitaient le plus plaisamment du monde, la tournure
qu'avaient sous leur capote de soldat trois ou quatre de leurs amis
qui s'etaient fait inscrire dans les bataillons de marche.
Ils se vantaient de n'endurer aucune privation, et de savoir toujours
ou prendre du beurre frais pour assaisonner les larges tranches de
boeuf qu'ils avaient l'art de se procurer.
Mme Favoral les entendait rire aux eclats, et M. Saint-Pavin, le
directeur du _Pilote financier_, s'ecriait:
--Allons! allons! nous serions des sots de nous plaindre. C'est une
liquidation generale sans risques et sans frais.
Meme leur gaiete avait quelque chose de revoltant; car on etait a la
derniere, a la plus aigue periode du siege.
Les plus optimistes disaient au debut:
--Si Paris tient six semaines, ce sera tout le bout du monde.
Or, il y avait plus de quatre mois que durait l'investissement.
La population en etait reduite a des aliments sans nom, le pain
manquait, les blesses, faute d'un peu de bouillon, mouraient dans les
ambulances; c'est par centaines qu'on conduisait au cimetiere les
enfants et les vieillards; sur la rive gauche, les obus pleuvaient, le
froid etait atroce et on n'avait plus de bois.
Et cependant nul ne se plaignait.
Du sein de cette ville de deux millions d'habitants, pas une voix ne
s'elevait pour redemander le bien-etre, la sante, la vie meme, au prix
d'une capitulation.
Les hommes clairvoyants n'avaient jamais espere que Paris se
debloquerait seul.
Mais ils pensaient qu'en tenant ferme, et en retenant les Prussiens
sous ses forts, Paris donnerait a la France le temps de se
reconnaitre, de lever des armees et de se ruer sur l'ennemi.
La etait le devoir de Paris, et Paris devait le remplir jusqu'aux
dernieres limites du possible, comptant pour une victoire chaque jour
qu'il gagnait.
Tant de souffrances, malheureusement, devaient etre inutiles.
L'heure fatale son
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