de surmonter la honte d'une telle
situation...
Le desespoir la gagnait, le jour ou le signor Pulci lui arriva
rayonnant, et s'ecriant des le seuil:
--J'ai des nouvelles!...
Et tout de suite, sans s'etonner du trouble affreux de la jeune fille,
qu'il attribuait a l'interet qu'elle lui portait, a lui, Gismondo
Pulci:
--Je ne les ai pas eues directement, poursuivit-il, mais par un
respectable seigneur a longues moustaches blanches et decore, qui,
ayant recu une lettre de mon cher eleve, a daigne venir chez moi, me
la lire...
Le digne maestro n'en avait pas oublie un mot de cette lettre, et
c'est presque textuellement qu'il la rapportait:
Six semaines apres s'etre engage, son eleve avait ete nomme caporal,
puis sergent, puis sous-lieutenant. Il avait pris part a tous les
combats de l'armee de la Loire sans recevoir une egratignure. Mais a
la bataille du Mans, en ramenant ses soldats qui pliaient, il avait
recu deux coups de feu en pleine poitrine. Transporte mourant a une
ambulance, il etait reste trois semaines entre la vie et la mort,
ayant perdu toute conscience de soi. Depuis vingt-quatre heures il
avait repris connaissance et il en profitait pour se rappeler a
l'affection de ses amis. Tout danger avait disparu. Il ne souffrait
presque plus, on lui promettait qu'avant un mois il serait sur pied,
et en etat de rentrer a Paris.
Pour la premiere fois depuis bien longtemps, Mlle Gilberte respira a
pleins poumons.
Mais on l'eut bien surprise, si on lui eut affirme qu'un jour
approchait ou elle benirait ces blessures qui retenaient Marius sur un
lit d'hopital.
Il en fut ainsi cependant.
Mme Favoral et sa fille etaient seules, un soir, a la maison, lorsque
des clameurs s'eleverent de la rue, dominees par les refrains que
hurlaient des voix avinees, accompagnees de roulements sourds et
continus.
Elles coururent a la fenetre. Des gardes nationaux venaient de
s'emparer des canons deposes a la place Royale. Le regne de la Commune
commencait.
En moins de quarante-huit heures, on en fut a regretter les pires
journees du siege. Sans chefs, sans direction, les honnetes gens
perdaient la tete. Tous les braves revenus a l'armistice s'etaient
envoles. Bientot on en fut reduit a se cacher ou a fuir pour eviter
d'etre incorpore dans les bataillons de la Commune. Nuit et jour,
autour de l'enceinte, petillait la fusillade et tonnait l'artillerie.
De nouveau, M. Favoral avait renonce a aller a son bureau. A q
|