ouches, et jusqu'a des batteries
de canons.
Il avait beaucoup souffert pendant ce dernier voyage, ajoutait-il,
et cependant il ne le regrettait pas, puisqu'il lui avait fourni
l'occasion d'etudier sur place les moeurs financieres de l'Amerique.
Et il en revenait avec assez d'idees pour faire la fortune de trois ou
quatre societes au capital de vingt millions.
--Ah! ces Americains, s'ecriait-il, voila des hommes qui comprennent
les affaires! Pres d'eux, nous ne sommes que des enfants.
C'est par M. Chapelain, par les Desclavettes et par le papa Desormeaux
que les nouvelles arrivaient rue Saint-Gilles.
C'etait aussi par Maxence, dont le bataillon avait ete licencie, et
qui, en attendant mieux, s'etait case, a titre de commis auxiliaire,
au chemin de fer d'Orleans, ou il gagnait deux cents francs par mois.
Car M. Favoral, lui, ne voyait ni n'entendait plus rien de ce qui se
passait autour de lui. Son travail l'absorbait entierement. Il partait
de meilleure heure, rentrait plus tard, et en perdait le boire et le
manger.
Il disait a ses amis que les affaires reprenaient d'une maniere
inesperee, qu'il y avait des fortunes a gagner pour tous les gens qui
avaient de l'argent comptant, et qu'il fallait bien rattraper le temps
perdu.
Il pretendait que l'indemnite enorme a payer aux Prussiens allait
exiger un immense mouvement de capitaux, des combinaisons financieres,
un emprunt, et qu'il ne se remue pas tant de milliards sans qu'il
tombe quelques petits millions dans les poches intelligentes.
Eblouis par la seule enumeration de ces sommes fabuleuses:
--Ce diable de Favoral, disaient les autres, est bien capable de
doubler ou de tripler sa fortune. Decidement, sa fille sera un fameux
parti!...
Helas! jamais Mlle Gilberte n'avait eu au coeur tant de haine et de
degout pour cet argent, la seule preoccupation, l'unique sujet de
conversation des gens qui l'entouraient; pour cet argent maudit qui
s'etait eleve comme une insurmontable barriere entre elle et Marius.
C'est que deja deux semaines s'etaient ecoulees depuis le complet
retablissement des communications, et M. de Tregars n'avait pas donne
signe de vie.
C'est avec d'indicibles battements de coeur qu'elle attendait,
chaque jour, l'heure de la lecon du signor Gismondo Pulci, et
plus douloureuses a chaque fois etaient ses angoisses, quand elle
l'entendait s'ecrier:
--Rien, pas une ligne, pas un mot. L'eleve a oublie son vieux
maitre...
Mais la jeu
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