capable de porter le premier et de le soulever d'un pied ou deux
au-dessus de la surface de l'eau. On avait remedie a cet inconvenient,
qui aurait, sans cela, devoile la supercherie, en chargeant le bateau
inferieur d'une quantite de lest suffisant a le noyer entierement, de
telle sorte que le chaland superieur gardat la ligne de flottaison qu'il
devait avoir a vide.
Vide, sa cale l'etait toujours, les marchandises volees, qui allaient
s'entasser dans le double fond, y remplacaient un poids correspondant de
lest, et l'aspect de l'exterieur n'etait en rien modifie.
Par exemple cette gabarre, qui, lege, aurait du normalement caler a
peine un pied, s'enfoncait dans l'eau de pres de sept. Cela n'etait
pas sans creer de reelles difficultes dans la navigation du Danube et
rendait necessaire le concours d'un excellent pilote. Ce pilote, la
bande le possedait dans la personne de Yacoub Ogul, un israelite natif
lui aussi de Roustchouk. Tres pratique du fleuve, Yacoub Ogul aurait
pu lutter avec Serge Ladko lui-meme pour la parfaite connaissance des
passes, des chenals et des bancs de sable; d'une main sure, il dirigeait
le chaland a travers les rapides semes de rochers que l'on rencontre
parfois sur son cours.
Quant a la police, elle pouvait examiner le bateau tant que cela lui
plairait. Elle pouvait en mesurer la hauteur interieure et exterieure
sans trouver la plus petite difference. Elle pouvait sonder tout autour
sans rencontrer la cachette sous-marine, etablie suffisamment en
retrait, et de lignes assez fuyantes pour qu'il fut impossible de
l'atteindre. Toutes ses investigations l'ameneraient uniquement a
constater que ce chaland etait vide et que ce chaland vide enfoncait
dans l'eau de la quantite strictement suffisante pour equilibrer son
poids.
En ce qui concerne les papiers, les precautions n'etaient pas moins
bien prises. Dans tous les cas, soit qu'elle descendit le courant, soit
qu'elle le remontat, la gabarre, ou allait chercher des marchandises,
ou, marchandises debarquees, retournait a son port d'attache. Selon
le choix qui paraissait le meilleur, elle appartenait, tantot a M.
Constantinesco, tantot a M. Wenzel Meyer, tous deux commercants, l'un de
Galatz, l'autre de Vienne. Les papiers, illustres des cachets les plus
officiels, etaient a ce point en regle, que jamais personne n'avait
songe a les verifier. L'eut-on fait, d'ailleurs, que l'on aurait
constate l'existence d'un Constantinesco ou d'un Wenzel Mey
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