d'instants, le va-et-vient de deux bachots eut transporte a bord de ce
chaland le chargement de la voiture. Aussitot, celle-ci s'eloigna et
disparut dans la nuit, tandis que la plupart des combattants de la
clairiere se dispersaient a travers la campagne, apres avoir recu leur
part de butin. Du crime qui venait d'etre commis, il ne subsistait plus
d'autre trace qu'un amoncellement de colis encombrant le pont de la
gabarre, a bord de laquelle ne s'etaient embarques que huit hommes.
En realite, la fameuse bande du Danube etait exclusivement composee de
ces huit hommes. Quant aux autres, ils representaient une faible partie
d'un personnel indetermine de sous-ordres, dont telle ou telle fraction
etait utilisee, selon la region exploitee: Ceux-ci demeuraient toujours
etrangers a l'execution proprement dite des coups de main, et leur role,
limite aux fonctions de porteurs, de vedettes ou de gardes du corps, ne
commencait qu'au moment ou il s'agissait d'evacuer vers le fleuve le
butin conquis.
Cette organisation etait des plus habiles. Par ce moyen, la bande
disposait, sur tout le parcours du Danube, d'innombrables affilies
dont bien peu se rendaient compte du genre d'operations auxquelles ils
apportaient leur concours. Recrutes dans la classe la plus illettree, de
veritables brutes en general, ils croyaient participer a de vulgaires
actes de contrebande et ne cherchaient pas a en savoir davantage. Jamais
ils n'avaient songe a etablir le moindre rapprochement entre celui qui
commandait les expeditions auxquelles ils prenaient part et ce fameux
Ladko qui, tout en leur cachant son nom, semblait se complaire
etrangement a laisser une trace quelconque de son etat civil sur chaque
theatre de ses crimes.
Leur indifference paraitra moins surprenante, si l'on veut bien
considerer que ces crimes, commis sur tout le cours du Danube, etaient
eparpilles sur une immense etendue. L'emotion publique avait donc, entre
chacun d'eux, le temps de se calmer. C'est surtout dans les bureaux de
la police, ou venaient se centraliser toutes les plaintes des regions
riveraines, que le nom de Ladko avait acquis sa triste celebrite. Dans
les villes, la classe bourgeoise, a cause des _manchettes_ ronflantes
des journaux, lui accordait encore un interet special. Mais pour la
masse du peuple, et, _a fortiori_, pour les paysans, il n'etait qu'un
malfaiteur comme un autre, dont on a a souffrir une fois et qu'on ne
revoit plus ensuite.
Au contraire,
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