ajoure,
decoupees d'ogives comme une porte de mosquee, d'autres en papier
de couleur pareilles a des fruits, d'autres deployees en eventail,
ayant des formes de fleurs, d'ibis, de serpents; et tout a coup de
grands jets electriques, rapides et bleuatres, faisaient palir ces
mille lumieres et givraient d'un clair de lune les visages et les
epaules nues, toute la fantasmagorie d'etoffes, de plumes, de
paillons, de rubans qui se froissaient dans le bal, s'etageaient
sur l'escalier hollandais a large rampe menant aux galeries du
premier que depassaient les manches des contrebasses et la mesure
frenetique d'un baton de chef d'orchestre.
De sa place, le jeune homme voyait cela a travers un reseau de
branches vertes, de lianes fleuries qui se melaient au decor,
l'encadraient et, par une illusion d'optique, jetaient au va-et-
vient de la danse des guirlandes de glycine sur la traine d'argent
d'une robe de princesse, coiffaient d'une feuille de dracaena un
minois de bergere Pompadour; et pour lui maintenant l'interet du
spectacle se doublait du plaisir d'apprendre par son Egyptienne
les noms, tous glorieux, tous connus, que cachaient ces travestis
d'une variete, d'une fantaisie si amusantes.
Ce valet de chiens, son fouet court en bandouliere, c'etait Jadin;
tandis qu'un peu plus loin cette soutane elimee de cure de
campagne deguisait le vieil Isabey, grandi par un jeu de cartes
dans ses souliers a boucles. Le pere Corot souriait sous l'enorme
visiere d'une casquette d'invalide. On lui montrait aussi Thomas
Couture en bouledogue, Jundt en argousin, Cham en oiseau des iles.
Et quelques costumes historiques et graves, un Murat empanache, un
prince Eugene, un Charles Ier, portes par de tout jeunes peintres,
marquaient bien la difference entre les deux generations
d'artistes; les derniers venus, serieux, froids, des tetes de gens
de bourse vieillis de ces rides particulieres que creusent les
preoccupations d'argent, les autres bien plus gamins, rapins,
bruyants, debrides.
Malgre ses cinquante-cinq ans et les palmes de l'Institut, le
sculpteur Caoudal en hussard de baraque, les bras nus, ses biceps
d'hercule, une palette de peintre battant ses longues jambes en
guise de sabretache, tortillait un cavalier seul du temps de la
Grande Chaumiere en face du musicien de Potter, en muezzin qui
fait la fete, le turban de travers, mimant la danse du ventre et
piaillant le "la Allah, il Allah" d'une voix suraigue.
On entourait ces j
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