rs, au milieu de la garrigue. Le soir, rentre pour
diner a la table fraternelle, il ne prononcait pas un mot, malgre
l'indulgent sourire de sa belle-soeur, pitoyable au pauvre etre et
le fournissant d'argent de poche, en cachette de son mari qui
tenait rigueur au Fenat, moins pour ses sottises passees que pour
toutes celles a commettre; et en effet la grande incartade
reparee, l'orgueil de Gaussin l'aine fut mis a une nouvelle
epreuve.
Trois fois par semaine, venait en journee de couture, a Castelet,
une jolie fille de pecheurs, Divonne Abrieu, nee dans l'oseraie au
bord du Rhone, vraie plante fluviale a la tige ondulante et
longue. Sous sa _catalane_ a trois pieces enserrant sa petite tete
et dont les brides rejetees laissaient admirer l'attache du cou
legerement bistre comme le visage, jusqu'aux neves delicats de la
gorge et des epaules, elle faisait songer a quelque _done_ des
anciennes cours d'amour jadis tenues tout autour de Chateauneuf, a
Courthezon, a Vacqueiras, dans ces vieux donjons dont les ruines
s'effritent par les collines.
Ce souvenir historique n'etait pour rien dans l'amour de Cesaire,
ame simple, denuee d'ideal et de lecture; mais, de petite taille,
il aimait les femmes grandes et fut pris des le premier jour. Il
s'y entendait, le Fenat, a ces aventures villageoises; une
contredanse au bal le dimanche, un cadeau de gibier, puis a la
premiere rencontre en pleins champs la vive attaque a la renverse,
sur la lavande ou le paillis. Il se trouva que Divonne ne dansait
pas, qu'elle rapporta le gibier a la cuisine, et que solide comme
un de ces peupliers de rive, blancs et flexibles, elle envoya le
seducteur rouler a dix pas. Depuis, elle le tint a distance avec
la pointe des ciseaux pendus a sa ceinture par un clavier d'acier,
le rendit fou d'amour, si bien qu'il parla d'epouser et se confia
a sa belle soeur. Celle-ci, connaissant Divonne Abrieu depuis
l'enfance, la sachant serieuse et delicate, trouvait dans le fond
de son coeur que cette mesalliance serait peut-etre le salut du
Fenat; mais la fierte du consul se revoltait a l'idee d'un Gaussin
d'Armandy epousant une paysanne: "Si Cesaire fait cela, je ne le
revois plus..." et il tint parole.
Cesaire marie quitta Castelet, alla vivre au bord du Rhone chez
les parents de sa femme, d'une petite rente que lui servait son
frere et qu'apportait tous les mois l'indulgente belle-soeur. Le
petit Jean accompagnait sa mere dans ses visites, ravi de la
caban
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