traire, et les montagnards, tout pleins encore de leur fanatisme, et
nullement disposes a desavouer le regime de la terreur, ne craignaient pas
la discussion, et etaient furieux qu'on l'eut fermee. Des le lendemain, en
effet, 13 fructidor, une foule de montagnards se leverent, disant que le
president avait fait, la veille, une surprise a l'assemblee en decidant la
cloture; qu'il avait emis son avis sans quitter le fauteuil; que, comme
president, il n'avait aucun avis a donner; que la cloture etait une
injustice; qu'on devait aux membres inculpes, a la convention elle-meme, et
a la revolution, d'aborder franchement une discussion que les patriotes
n'avaient pas a redouter. Vainement les thermidoriens, Legendre, Tallien et
autres, qu'on accusait d'avoir pousse Lecointre, et qui au contraire
avaient cherche a le dissuader de son projet, demanderent-ils que la
discussion fut ecartee. L'assemblee, qui n'avait pas encore perdu
l'habitude de craindre la Montagne et de lui ceder, consentit a rapporter
sa decision de la veille, et rouvrit la carriere. Lecointre fut appele a la
tribune pour lire ses vingt-six chefs, et pour les appuyer de pieces
probantes.
Lecointre n'avait pu reunir les pieces de ce singulier proces, car il
aurait fallu avoir la preuve de ce qui s'etait passe dans l'interieur des
comites, pour juger jusqu'a quel point les membres inculpes avaient
participe a ce qu'on appelait la tyrannie de Robespierre. Lecointre ne
pouvait invoquer sur chaque chef que la notoriete publique, que des
discours prononces aux Jacobins ou a l'assemblee, que les originaux de
quelques ordres d'arrestation, lesquels ne prouvaient rien par eux-memes. A
chaque grief nouveau, les montagnards furieux criaient: _Les pieces! les
pieces!_ et ne voulaient point qu'il parlat sans produire les preuves
ecrites. Lecointre, reduit souvent a l'impuissance de les fournir,
s'adressait aux souvenirs de l'assemblee, et lui demandait si elle n'avait
pas toujours considere Billaud, Collot-d'Herbois et Barrere, comme d'accord
avec Robespierre. Mais cette preuve, la seule d'ailleurs possible, montrait
l'absurdite d'un pareil proces. Avec de telles preuves, on aurait demontre
que la convention etait complice du comite, et la France de la convention.
Les montagnards ne voulaient pas laisser achever Lecointre: ils lui
disaient: Tu es un calomniateur! et ils l'obligeaient a passer a un autre
grief. A peine avait-il lu le suivant, qu'ils s'ecriaient de nouveau: _L
|