du Nord, sous Pichegru, s'elevait
a plus de soixante-dix mille hommes, presens sous les armes, et celle de la
Meuse, sous Jourdan, a cent seize mille. L'administration, epuisee par les
efforts qu'elle avait faits pour improviser l'equipement de ces armees, ne
suffisait que tres imparfaitement a leur entretien. On y suppleait par des
requisitions, faites avec menagement, et par les plus belles vertus
militaires. Les soldats savaient se passer des objets les plus necessaires;
ils ne campaient plus sous des tentes; ils bivouaquaient sous des branches
d'arbres. Les officiers sans appointemens, ou payes avec des assignats,
vivaient comme le soldat, mangeaient le meme pain, marchaient a pied comme
lui, et le sac sur le dos. L'enthousiasme republicain et la victoire
soutenaient ces armees, les plus sages et les plus braves qu'ait jamais
eues la France.
Les coalises etaient dans un desordre singulier. Les Hollandais, mal
soutenus par leurs allies les Anglais, et doutant de leur bonne foi,
etaient consternes. Ils formaient un cordon devant leurs places fortes,
pour avoir le temps de les mettre en etat de defense, ce qui aurait du etre
acheve depuis long-temps. Le duc d'York, aussi ignorant que presomptueux,
ne savait comment se servir de ses Anglais, et ne prenait aucun parti
decisif. Il se retirait vers la Basse-Meuse et le Rhin, etendant ses ailes
tantot vers les Hollandais, tantot vers les Imperiaux. Cependant, reuni aux
Hollandais, il aurait pu disposer encore de cinquante mille hommes, et
tenter sur les flancs de l'une des deux armees du Nord et de la Meuse l'un
de ces mouvemens hardis que le general Clerfayt, l'annee suivante, et
l'archiduc Charles, en 1796, surent executer avec a propos et honneur, et
dont un grand capitaine donna depuis, tant de memorables exemples. Les
Autrichiens, retranches le long de la Meuse, depuis l'embouchure de la Roer
jusqu'a celle de l'Ourthe, etaient decourages par leurs revers, et
manquaient des approvisionnemens necessaires. Le prince de Cobourg, tout a
fait deconsidere par sa derniere campagne, avait cede le commandement a
Clerfayt, le plus digne de l'occuper entre tous les generaux autrichiens.
Il n'etait pas trop tard encore pour se rapprocher du duc d'York, et pour
agir en masse contre l'une des deux armees francaises; mais on ne songeait
qu'a garder la Meuse. Le cabinet de Londres, alarme de la marche des
evenemens, avait envoye commissaires sur commissaires pour reveiller le
zele de l
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