cet aveu
dans un temps d'emphase generale et de flatterie humanitaire, il m'est
impossible de n'en pas convenir: tant que nous n'aurons pas une humanite
refaite a neuf, tant que ce sera la meme precisement que tous les grands
moralistes ont penetree et decrite, celle que les habiles politiques
savent,--mais au rebours des moralistes, sans le dire,--il y aura
temoignage, avant tout, d'intelligence a dominer par la pensee les
conjonctures, si grandes qu'elles soient, a s'en tirer du moins et a
s'en isoler en les appreciant, a demeler sous l'ecume diverse les memes
courants, a sentir jouer sous des apparences nouvelles, et qui semblent
uniques, les memes vieux ressorts. Pourtant si c'a ete, avant tout,
chez La Fayette, une superiorite de caractere et de coeur de croire a
l'avenement invincible de certains principes utiles et genereux, ce n'a
pas ete une si grande inferiorite de point de vue; car si ses principes
n'ont pas obtenu toute la part de triomphe qu'il augurait, ils ont
eu une part de triomphe infiniment superieure (au moins a l'heure
de l'explosion) a ce que les autres esprits reputes surtout sagaces
auraient ose leur predire.
Chez les hommes qui jouent un grand role historique, il y a plusieurs
aspects successifs et comme plusieurs plans selon lesquels il les faut
etudier. Le premier aspect qui s'offre, et auquel trop souvent on s'en
tient dans l'histoire, est le cote exterieur, celui du role meme avec
sa parade ou son appareil, avec sa representation. La Fayette a eu si
longtemps un role exterieur, et l'a eu si constant, si _en uniforme_
j'ose dire, qu'on s'est habitue, pour lui plus que pour aucun autre
personnage de la Revolution, a le voir par cet aspect; habit national,
langage et accolade patriotique, drapeau, pour beaucoup de gens La
Fayette n'a ete que cela. Ceux qui l'ont davantage approche et entendu
ont connu un autre homme. Esprit fin, poli, conversation souvent
piquante, anecdotique; et, plus au fond encore, pour les plus intimes,
peinture vive et deshabillee des personnages celebres, revelations et
propos redits sans facon, qui sentaient leur XVIIIe siecle, quelque
chose de ce que les charmantes lettres a sa femme, aujourd'hui publiees,
donnent au lecteur a entrevoir, et de ce que le role purement officiel
ne portait pas a soupconner. Ce cote interieur, chez La Fayette, ne
dejouait pas l'autre, exterieur, et ne le dementait pas, comme il
arrive trop souvent pour les personnages de renom; il y avai
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