l'une des plumes les plus vives et les
plus fermes de l'opposition antidynastique d'alors.--"Eh bien! fut-il
repondu, nous mettrons la monarchie administrative[68]." Le mot etait
profond et percant; la forme et les moyens parlementaires demeuraient
sous-entendus.
[Note 68: C'est Armand Carrel en personne qui repondait cela a M.
Cousin.]
Ceci revient a dire que la societe parait se contenter aujourd'hui
d'etre gouvernee en vue principalement de ses interets materiels et de
ses jouissances: que, pour peu qu'on ait envie de le croire, on la peut
juger provisoirement satisfaite sur ses droits, tant la demonstration de
son zele est ailleurs. Et c'est a ce point de vue essentiel qu'on doit
surtout dire que la Revolution francaise est terminee, que ses
resultats sont en partie obtenus, en partie manques, et que l'esprit,
l'_inspiration_ qui l'a soutenue dans sa longue et glorieuse carriere,
fait defaut. Dans la societe civile on est a peu pres en possession
de tous les resultats voulus par la Revolution; dans l'association
politique, il y a beaucoup plus a desirer; mais enfin, si l'on
s'inquietait en ce genre de ce qu'on n'a pas pour l'obtenir, si on le
_desirait_ reellement avec suite et ferveur, si on luttait dans ce but
comme sous la Restauration, l'esprit de la Revolution francaise vivrait
encore, et cette grande ere ne serait pas finie. Or, quels que puissent
etre les regrets amers, silencieux ou exasperes, de quelques individus
fideles a leurs souvenirs, l'inspiration qui, de 89 a 1830, n'avait pas
cesse, sous une forme ou sous une autre, dans les assemblees ou dans
les camps, ou dans la presse et ce qu'on appelait l'_opinion publique_,
d'agir et de pousser, et de vouloir vaincre, cette inspiration s'est
retiree tout d'un coup et a comme expire au moment ou, dans un dernier
eclat, elle devenait victorieuse. D'autres inspirations, d'autres
penchants plus ou moins nobles, sont venus a l'ensemble de la societe,
et, favorises de toutes parts, agrees par les gouvernants comme des
garanties, ils se developpent avec une rapidite presque effrenee, qui
ne permet pas le retour. Sans doute la generosite, l'enthousiasme, le
desinteressement dans l'ordre des affections generales et dans celui de
l'intelligence, ne manqueront jamais au monde, n'y manqueront pas plus
que la corruption, l'egoisme et l'influence masquee de toutes les
roueries. Sans doute chaque generation nouvelle vient verser comme un
rafraichissement de sang vierge
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