le plus capital, la preface des _Georgiques_, est meme en grande partie
traduite de Dryden, que Delille combat en un endroit, sans dire jusqu'a
quel point il en profite.[22]
[Note 22: Cette remarque est de M. Joseph-Victor Le Clerc.]
Du college d'Amiens, le jeune professeur fut rappele comme agrege a
Paris, et nomme pour faire la classe de troisieme au college de La
Marche: il y etait encore lors de sa reception a l'Academie, en 1774.
Mais la disproportion entre cette gloire si litteraire, si mondaine, et
ces themes qu'il dictait encore, devenait trop criante, et l'amitie de
M. Le Beau, professeur d'eloquence latine au College de France, l'appela
a professer, comme suppleant d'abord, la poesie qui etait comprise dans
cette chaire.
La traduction des _Georgiques_ parut a la fin de l'annee 1769; elle
etait annoncee a l'avance par de nombreuses lectures dans les salons,
que frequentait deja beaucoup Delille. Le succes alla aux nues. C'etait
la mode de la nature; on adorait la campagne du sein des boudoirs. _Les
Georgiques_ furent sur les toilettes comme un volume de l'_Encyclopedie_
ou comme le livre de l'_Esprit_; on crut lire Virgile. Le grand Frederic
declara cette traduction une oeuvre _originale_. Voltaire s'eprit
de _Virgilius-Delille_ (il etait fort en sobriquets), et ecrivit a
l'Academie francaise pour l'y pousser (4 mars 1772): "Rempli de la
lecture des _Georgiques_ de M. Delille, je sens tout le prix de la
difficulte si heureusement surmontee, et je pense qu'on ne pouvait faire
plus d'honneur a Virgile et a la nation. Le poeme des _Saisons_ et la
traduction des _Georgiques_ me paraissent les deux meilleurs poemes qui
aient honore la France apres _l'Art poetique_......" La Harpe, dans _le
Mercure_, celebra tout d'abord la traduction; Freron, dans _l'Annee
litteraire_, ne l'attaqua point; s'il la trouva infidele souvent, comme
reproduction du modele, il convint qu'il etait difficile de mieux
tourner un vers, et ne craignit pas d'y reconnaitre _le faire de
Boileau_. Clement de Dijon seul, Clement _l'inclement_, comme dit
Voltaire avec son volume d'_Observations critiques_ (1771), que suivit
bientot un second volume de _Nouvelles Observations_ (1772), vint
troubler le succes du traducteur des _Georgiques_ et du poete des
Saisons. Saint-Lambert eut le credit et le tort d'obtenir un ordre pour
faire conduire Clement au For-l'Eveque, et pour faire saisir l'edition
(encore sous presse) de sa critique. Le pretexte et
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